mercredi 26 janvier 2011

Zambinella (La)


C’est un des personnages de Sarrasine, nouvelle de Balzac publiée en 1830, la même année que La peau de chagrin. A la même veine d’inspiration se rattachent  des œuvres  à sensibilité philosophique, où l’on décèle une dimension fantastique, comme Le chef d’œuvre inconnu (1831) et La recherche de l’absolu (1837). Balzac était à cette époque un auteur confirmé et il explorait toutes les directions narratives possibles.


Au cœur de cette nouvelle, un récit enchâssé (un récit dans un autre récit) qui raconte la passion dont s’éprend un jeune sculpteur, Sarrasine, pour la Zambinella, une chanteuse d'opéra.  Autour, -avant et après-, se déroule un récit-cadre : le narrateur assiste à un bal donné par les Lanty dont la fortune mystérieuse fait jaser. Tout comme délie les langues la présence d’un vieillard centenaire aux allures inquiétantes. La jeune et belle marquise qui accompagne le narrateur est tout aussi apeurée que les autres et fuyant la présence de ce « spectre », se réfugie dans un boudoir où elle admire une peinture  qui représente un Adonis.
Le sommeil d'Endymion, Girodet-Trioson
Le narrateur raconte le lendemain à la marquise (et à nous lecteurs, bien sûr) l’histoire qui lèvera le voile sur l’identité du vieillard, celle de l’Adonis et l’origine de la fortune des Lanty. Ce dévoilement passe par l'histoire de Sarrasine et de sa passion pressante pour La Zambinella, une soprano entretenue par le cardinal Cicognara.

Cette nouvelle, très courte, peu connue du grand public l’est devenue en 1970 avec la publication de l’essai de Roland Barthes S/Z (Sarrasine/Zambinella)  qui pour très intéressant qu’il est, donne plutôt à lire  Barthes lui-même que Balzac.

Sans dévoiler la chute, ce qui est toujours désagréable quand on ne connait pas un texte, disons seulement que ce bref récit propose une réflexion  sur les rapports qu'entretient l'artiste avec son art (le mythe de Pygmalion est clairement évoqué) en même temps qu'il aborde les thèmes de l'apparence, du reflet et de l'ambiguïté homme/femme.

Il est intéressant  de savoir que Balzac  a transformé le nom du sculpteur Sarrazin  (qui a réellement existé )en  féminisant  la terminaison et en transformant le Z en S.  Ce choix , qui fait penser à un prénom ou à  un surnom féminin, n'est pas le fruit du hasard, on s'en doute,  surtout quand il s'agit d'un personnage éponyme. Plus amusant encore ce fait réel dans la vie de Balzac: son père Bernard-François Balssa changea son nom à consonance italienne et féminine en Balzac.

Nous reparlerons dans un autre billet de la situation de La Zambinella et de la réaction de la jeune marquise à la toute fin du récit.

En attendant, bonne lecture, si vous avez eu la chance de ne pas encore avoir lu cette nouvelle.

Le texte est disponible ICI .

9 commentaires:

Flocon a dit…

"ce bref récit propose une réflexion sur les rapports qu'entretient l'artiste avec son art"

Il semble me souvenir (c'est bien loin dans ma mémoire) que Le Chef d'œuvre inconnu traite également, entre autres, de ce même thème, d'une autre façon bien sûr.

Je n'ai pas lu le S/Z de Barthes mais ses Mythologies en 1976, il y a 35 ans, c'est vous dire combien c'est "loin". Ah tenez, ça me f. un coup! C'était dans une autre vie.

Ce doit être un des premiers textes (mais je ne sais plus, vraiment) où j'ai été sensible à la finesse des analyses qu'il était possible de faire sur à peu près tout sujet qui se présentait ou du moins qu'il était loisible de prendre pour sujet.

Flocon a dit…

Petit problème de justification au premier paragraphe...

Et vous en faites de jolies mises en gras et en italiques s'il vous plaît!...

Christine a dit…

Effectivement, que reste-t-il de nos lectures? L'essentiel sans doute est de retenir l'impression qu'elles nous ont laissée, et d'avoir en mémoire comment elles nous ont éclairé(e)s ou fait appréhender des domaines que nous n'avions jamais croisés ou sur lesquels nous ne nous étions jamais posé de questions...

Merci pour vos remarques techniques. Parmi mes nombreux défauts, il en est un, qui me trouble beaucoup en ce moment, parce que j'y vois un signe de mon âge avancé: l'étourderie ou plus exactement l'oubli!

chri a dit…

Souhaiter bonne chance, longue vie et inspirations fécondes à ce blog.
Content et ému d'avoir de vos nouvelles... Merbel...

Anonyme a dit…

Quelle joie de découvrir ton blog Christine !
Je n'ai pas lu La Zambinella, ce sera donc une de mes prochaines lectures !
Belle et longue vie à ton blog !

Catherine Lirelo

Christine a dit…

Bienvenue, Chriscot! Comme je suis contente de vous voir ici! Un grand merci pour vos encouragements... J'espère que vous passerez d'aussi bon moments chez moi que j'en ai passé chez vous!
Vous, l'écriture ne vous a pas quitté et c'est tant mieux!
Je tâtonne encore, craignant d'être trop explicative dans mes billets. Défaut professionnel, vous vous en doutez!
Mais avec cet abécédaire, je me fais plaisir: il y a les mots que j'aime, qui m'inspirent, et il y a ceux qui prennent corps. C'est amusant, et espérons que ça le restera...

Christine a dit…

Cela me fait plaisir de te lire ici! Bienvenue donc "chez moi" et merci beaucoup de tes encouragements.

Oui la lecture apporte beaucoup de joies et Sarrasine est un petit trésor!Il a l'avantage de se déguster très vite.
Bien à toi et un grand coucou à toute la famille!

Pierre a dit…

"Pourquoi oublie-t-on?", c'est la question que je pose à chacun ici.
Car si je me rappelle du plaisir plus ou moins vif propre à chaque lecture des oeuvres de Balzac citées, je ne me rappelle que très grossièrement des histoires de chacune, et d'aucun nom des protagonistes ou presque.
Aux philosophes je demande: oublie-t-on pour quitter ce monde sans trop de regrets? Ce qu'on n'oublie pas, est-ce pour le transmettre aux plus jeunes?
La Pente Douce installe en moi un effet chamboulant.

Christine a dit…

Si En pente douce vous chamboule, c'est vraiment épatant! C'est un beau compliment.
Et si l'évocation de quelques livres permet à chacun de se poser des questions aussi profondes (et insolubles?) que celles que vous posez, alors ce n'est pas pour rien que je me démène pour (re)construire des cheminements que j'avais gardés très loin dans ma mémoire.