samedi 9 avril 2011

Enigme

Pour lutter contre le redoutable Monsieur-je-sais-tout, j'ai été dans l'obligation d'apporter quelques modifications à des portraits de personnages romanesques célèbres. A vous de deviner quels sont les trois couples qui se cachent derrière ces portraits que j'ai réécrits le plus fidèlement possible,  en ayant recours à des synonymes essentiellement. Puissent les auteurs de ces textes me pardonner ma "cuisine"!

 Qui regarde qui?

1. Mes yeux furent soudainement happés par de belles épaules arrondies sur lesquelles j'aurais aimé pouvoir m'abandonner, des épaules discrètement découvertes qui semblaient  se colorer comme si elles étaient exposées pour la première fois, de charmantes épaules qui avaient une vie et dont la peau mate étincelait à la lumière comme une écharpe de satin.

2. Ce fut comme une mirage. Cette femme était debout au milieu des chaises, isolée ; ou du moins il ne vit âme qui vive dans  l'éclat que lui envoyèrent ses prunelles. En même temps qu'il se déplaçait, elle baissa le visage. Il abaissa sans le vouloir les épaules; et quand il se fut éloigné, dans la même rangée, il la dévora des yeux.


3. Je m'étais imaginé une vieille bigote de méchante humeur ; la bonne dame de M. de Pontbois ne pouvait être autrement à mon avis. Je vois un visage plein de charmes, de grands yeux verts emplis de douceur, un teint éclatant, les courbes d'une gorge attirante.[...]Elle se saisit avec un sourire de la lettre que je lui tends d'une main moite, l'ouvre, parcourt rapidement celle de M. de Pontbois, revient à la mienne, qu'elle lit complètement, et qu'elle eût lu et relu encore si son valet ne l'eût prévenue qu'il fallait rentrer. 
"Eh! jeune homme, me dit-elle d'une voix qui me fit frissonner, vous voilà sur les routes bien jeune; c'est navrant assurément". Puis, sans me laisser le temps de parler, elle renchérit: "Allez à la maison m'attendre; demandez qu'on vous donne à manger; après la messe, je m'entretiendrai avec vous.

Je reconnais que l'énigme est assez difficile à résoudre... Je donnerai des indices si cela est nécessaire.

Amusez-vous bien et comme d'habitude, si vous en avez envie, vous pouvez m'envoyer vos réponses à xtinemer@gmail.com. Vous avez jusqu'à dimanche 20 heures.

Réponse
La gagnante de ces trois énigmes est Catherine. Viennent ensuite Flocon, puis Jacques. Bravo à vous trois, parce que ce n'était pas facile.

1. Mes yeux furent tout à coup frappés par de blanches épaules rebondies sur lesquelles j'aurais voulu pouvoir me rouler, des épaules légèrement rosées qui semblaient rougir comme si elles se trouvaient nues pour la première fois, de pudiques épaules qui avaient une âme, et dont la peau satinée éclatait à la lumière comme un tissu de soie. Le Lys dans la  vallée, Balzac. Il s'agit de la scène du bal où Félix de Vandenesse rencontre pour la première fois Mme de Mortsauf.

2. Ce fut comme une apparition.
Elle était assise, au milieu du banc, toute seule ; ou du moins il ne distingua personne, dans l'éblouissement que lui envoyèrent ses yeux. En même temps qu'il passait, elle leva la tête ; il fléchit involontairement les épaules ; et, quand il se fut mis plus loin, du même côté, il la regarda. L'Education sentimentale, Flaubert. Il s'agit du début du roman où Frédéric Moreau voit pour la première fois Mme Arnoux.

3. Je m'étais figuré une vieille dévote bien rechignée: la bonne dame de M. de Pontverre ne pouvait être autre chose à mon avis. Je vois un visage pétri de grâces, de beaux yeux bleus pleins de douceur, un teint éblouissant, le contour d'une gorge enchanteresse. [...] Elle prend en souriant la lettre que je lui présente d'une main tremblante, l'ouvre, jette un coup d'œil sur celle de M. de Pontverre, revient à la mienne, qu'elle lit tout entière, et qu'elle eût relue encore si son laquais ne l'eût avertie qu'il était temps d'entrer. "Eh! mon enfant, me dit-elle d'un ton qui me fit tressaillir, vous voilà courant le pays bien jeune; c'est dommage en vérité." Puis, sans attendre ma réponse, elle ajouta: "Allez chez moi m'attendre: dites qu'on vous donne à déjeuner; après la messe j'irai causer avec vous."  Les Confessions, Jean-Jacques Rousseau. Il s'agit de la première scène où Jean-Jacques Rousseau rencontre Mme de Warens.

Merci d'avoir joué et de participer aussi régulièrement à ces jeux.

13 commentaires:

Calyste a dit…

Alors, Monsieur je sais tout, ça ne doit pas être moi, parce que là: rien de rien!

Flocon a dit…

Pour les deux premiers je fais chou blanc mais je crois savoir pour le troisième texte...

Anonyme a dit…

Tous ce que je sais c'est que la première peinture est de Van Doogen. :/

Bof! D'oh!

Anonyme a dit…

Double d'oh!

Van Dongen ! rires !

Christine a dit…

Anijo,
Ce que tu sais est très bien et si trouves du plaisir à trouver les peintres qui illustrent l'énigme , c'est tant mieux !
Je me décarcasse à trouver des illustrations et si j'ai une lectrice qui le remarque, j'en suis heureuse.

Van Doogen ou Van Dongen,on s'en fout un peu! Tu l'aimes ce peintre?
Il y a une expo au Musée d'Art Moderne de la ville de Paris, jusqu'en juillet...

Christine a dit…

Calyste,

Courage! Avec les indices, ça ira comme sur des roulettes. (tu as vu comme je sais encourager, hein!)

Christine a dit…

Flocon,
Vous avez bien trouvé de qui il s'agissait dans la troisième énigme. Bravo!

Quelques indices maintenant:

1. Dans le premier texte, le narrateur rencontre la dame lors d'un bal. Il fera ensuite à pied le chemin qui longe un somptueux fleuve de France pour retrouver le château de sa belle: aujourd'hui ce chemin est devenu un GR.

2.La femme décrite se trouve sur un bateau; on est dans les débuts du roman. Lui, il arrive du Havre où il était parti demander à un oncle de l'argent pour faire son droit. De retour à Paris, il prend le bateau pour rentrer chez lui, dans une petite ville traversée par la Seine et aujourd'hui sous-préfecture de l'Aube.

3.La femme dont il est question habita d'abord Annecy, puis Chambéry où le narrateur-auteur séjourna. Elle fit son éducation à tous points de vue. Il l'appelait Maman.

Anonyme a dit…

Tu l'aimes ce peintre?

Je ne suis pas vraiment fan de lui. J'ai un livre, "Le Fauvisme ou l'épreuve du feu", et c'est pour ça que je lui reconnaisse. J'ai acheté ce livre il y a longtemps... à une expo au Musée d'Art Moderne de la ville de Paris !

Christine a dit…

La réputation de Van Dongen est entachée par son attitude pendant la seconde guerre. Je ne suis pas une mordue de ce peintre. J'ai choisi ce portrait parce que j'aimais beaucoup ce vert...

cathiemini a dit…

Suis admirative...Bravo aux gagnants...Là j'ai séché sur toute la ligne...la route est longue....Je vous remercie infiniment Christine pour le temps que vous passez à nous concocter ses énigmes savoureuses, parfois diaboliques...ainsi je peux faire connaissance ou réviser à mon rythme...

Flocon a dit…

Le Lys dans la vallée... Je n'aurais pas dû laisser tomber lors de mon intégrale Balzac.

Pareil pour les Mémoires de deux jeunes mariées.

(Encore un roman pour gonzesses, je n'ai pas dépassé les 10 premières pages je crois)

Christine a dit…

Merci Cathie ! Je suis aussi joueuse que vous, si vous saviez! Le temps que je passe à construire ces énigmes est plaisant, je vous assure. Ce n'est pas le plus difficile: ce qui est "délicat", c'est de trouver l'idée du jeu.

Christine a dit…

Vous me faites rire Flocon et me rappelez un copain qui après avoir lu tout le bouquin, sans cesser de râler, s'est écrié: "Et tout ça pour qu'ils ne soient même pas ensemble à la fin! Mais elle est idiote cette Mortsauf! Faut s'avaler tellement de descriptions avant qu'il ne se passe ...rien!"

Moi j'aime ce roman et je crois que les deux pages sur la vallée de Chinon, qu'emprunte Félix pour retrouver le château de la dame, sont parmi les plus belle pages de la littérature française.