Elle est un des personnages de Molière, l’Egyptienne qu’aime secrètement Léandre dans Les Fourberies de Scapin. Mais si gaie, si comique soit-elle, ce n’est pas de cette Zerbinette-là dont il va être question ici.
Celle qui m’a enchantée, en décembre dernier, à Bastille, est la Zerbinette de Richard Strauss dans son opéra Ariane à Naxos joué pour la première fois dans cette version, à Vienne en 1916. C’est un opéra qui mélange tragédie classique (l’abandon d’Ariane sur l’île de Naxos par Thésée) et la Comedia dell’arte (on retrouve les personnages de Zerbinette et d’Arlequin).
Dans cette œuvre, tout change ou doit changer : le Compositeur d’abord . Il pensait donner ce soir-là un opéra tragique mais il doit, au dernier moment et sur la volonté capricieuse du mécène qui lui permet de jouer dans sa riche demeure, « écourter » son œuvre, supprimer des arias, et intégrer la comédie qui devait succéder à son opéra. Le Compositeur finit par accepter et de cet étrange mélange naîtra une partition en un acte, pas comme les autres, qui brouille les genres : parodie d’opéra seria, opéra bouffe, théâtralisation. Ariane ensuite. Elle doit changer car pour survivre au chagrin de l’abandon, il faut changer. Et cette nécessité de changement est portée par la voix de Zerbinette : les hommes sont infidèles par nature, la meilleure façon de soigner le chagrin est de trouver un nouvel amour. La musique de Strauss, enfin : elle change, suit les métamorphoses des personnages et l’orchestre réduit à un peu moins de 40 instruments sonne et chante comme s’il y en avait cent!
C’est Jane Archibald qui incarnait Zerbinette. Elle m’a conquise, sans doute parce que sa voix traduit la vivacité, la vitalité et la profonde légèreté de ce personnage qui, généreusement et naturellement, aide à accomplir la métamorphose. Vous pouvez consulter un compte rendu intéressant et des photos de ce spectacle ICI , un blog musical passionnant.
2 commentaires:
Rien à ajouter à cette présentation concise et exhaustive à la fois.
Rien à dire, en somme.
Mais c'est pour propulser.
Pour expanser.
Car un blog grandit toujours, et toujours tend vers l'infini.
Comme l'est ma joie de cette Pente Douce.
Merci à vous Pierre. Ce billet n'a pas été facile à rédiger. La musique est sans doute le domaine artistique qui m'intimide le plus: les mots paraissent souvent inutiles et je n'ai pas le "bagage" pour en parler. J'ai une petite oreille mais une grosse sensibilité -il paraît que c'est l'essentiel! J'ai toujours fait des complexes... On ne se refait pas. D'où désormais une grande inclination pour l'opéra parce que je m'y sens un peu moins perdue: c'est un art riche, polymorphe, qui me touche, me parle et me fait parler!
L'opéra me donne des ailes et des airs à chanter dans ma tête, lieu de tous les mystères et de tous les rêves, jamais élucidés, jamais épuisés.
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