Zola, ce sont mes lectures de jeune adolescente. Je me rappelle parfaitement les circonstances qui m'ont amenée à lire Les Rougon-Macquart. J'ai eu une "passeuse": en classe de 3ème est arrivée dans mon lycée de province de Normandie une fille du Sud, originaire de Montpellier. Elle nous fascinait toutes et tous: c'était une originale, avec un accent qui nous touchait, une fille très décontractée et très brillante. Elle lisait Zola et nous nous y sommes tous mis!
J'ai donc commencé par le onzième roman de cette épopée naturaliste Au bonheur des dames: grand souvenir! Je pleurais toutes les larmes de mon corps: j'étais Denise (même si le nom me semblait d'une ringardise incommensurable). J'étais cette midinette qui tombait amoureuse du beau et dédaigneux Octave Mouret. J'ai enchaîné avec Germinal, L'Assommoir, La Bête humaine, La faute de l'abbé Mouret... J'étais loin d'avoir tout dévoré, comme le fit un garçon de la classe , mordu (inutile de me demander de qui?) et que j'aimais secrètement comme on peut aimer à cet âge! Joie et chagrin.
Les années ont passé. En prépa, j'ai étudié Hugo, Balzac, Stendhal, Gide, Aragon et bien d'autres: à la fac, Robbe- Grillet, Beckett, Duras, Sarraute... Mais de Zola point ! Il n'était pas trop à la mode dans les universités françaises et je crois me souvenir qu'il avait fallu attendre plus de 50 ans après sa mort pour voir cet auteur intégrer le programme de l'agrégation de Lettres modernes...
J'ai oublié Zola, même si ces lectures peuvent expliquer en partie mon engagement militant qui s'est limité je l'avoue aux quatre premières années de ma vingtaine! Il reste toujours quelque chose de nos lectures, que nous avons oubliées bien sûr mais qui nous ont quoiqu'on en dise forgé(e)s.
Ce n'est que récemment que j'ai redécouvert cet écrivain auquel Henri Mitterrand a consacré sa vie! Au collège, où j'ai étudié avec des élèves de troisième Germinal (collections Les Classiques abrégés de l'Ecole des loisirs), édition "allégée" (et très bien faite). C'est passé, malgré toutes mes hésitations! Zola me semble plus indigeste aujourd'hui!
J'ai eu l'occasion il n'y a pas si longtemps que cela de relire La Bête humaine, qui posa beaucoup de problèmes d'architecture narrative à Zola: c'est le 17ème roman, Zola voulait faire un roman sur le monde judiciaire. Mais il lui reste le roman sur le capitalisme, celui sur la guerre et celui sur la science, et il ne veut pas dépasser vingt volumes pour le cycle. A ces difficultés professionnelles s'ajoute la crise de la cinquantaine à laquelle s'ajoute une sorte de gêne: lui qui a consacré sa vie à la littérature est tombé amoureux depuis peu de Jeanne Rozerot. Arraché à son équilibre de bourgeois laborieux, contraint au mensonge pour préserver un adultère qui est plus qu'un coup de folie, il éprouve des difficultés de composition et tombe dans une certaine lassitude.
C'est la publication en feuilletons dans La Vie populaire qui va le motiver( peut-être que dans certains passages, on décèle un goût très prononcé pour le sang, propre à ce type de publication) et il achève en janvier 1890 ce roman qui lui aura posé beaucoup de difficultés.
J'ai beaucoup de tendresse pour ce roman très noir, peut-être parce que tout se passe sur la ligne Paris-Le Havre. Enfin, le tunnel de Malaunay qui joue un rôle important dans l'action symbolise un "lieu" souterrain, où se terre l'Homme des cavernes resté dans l'Homme du 19ème siècle, et au-delà du temps, ce qu'il reste en nous de nos ancêtres lointains.
Lettre autographe de Zola sur La Bête humaine |
3 commentaires:
Moi, c'est Germinal qui m'a le plus marqué. Sans doute parce que mon père était mineur et que je connaissais bien ce milieu social. Lorsqu'il a vu le film, il s'est mis en colère, et j'étais bien d'accord avec lui pour n'y reconnaître ni vraiment le livre ni ce qui faisait la beauté de cette communauté humaine.
PS: tantôt dernier, tantôt premier...
Nous avons tous effectivement nos "chouchous" qui prennent en compte nos histoires personnelles. Cependant, nous faisons partie (peut-être?) des dernières générations de lecteurs de Zola qui, quelles que soient nos origines sociales ou familiales, avons lu et découvert cet auteur quand nous étions jeunes, voire très jeunes.
Voyons Calyste , vous êtes le premier à avoir le dernier mot!
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