samedi 18 février 2012

Vagants (clercs)



Les clercs vagants étaient au Moyen Age des moines le plus souvent en rupture de monastère. Ce sont des hommes qui " pensent et sentent comme les plus libres poètes romains" en mêlant à leur langue des fragments du latin d' Eglise qu'ils ont pratiqué en d'autres circonstances.  Voici un extrait des Carmina Burana (1230) recueil de poèmes, chants religieux et chansons d'inspiration libre et familière écrite par des clercs vagants allemands.
C'est essentiellement une satire violente de l'ordre établi. La singularité de la chanson qui suit tient à ce que le récit est fait par la victime.




J'étais une enfant belle et bonne
quand vierge encore j'étais en fleur
tout le monde me louangeait
Hou et oh ! Maudit le tilleul qui pousse
au long du chemin !

Un jour je voulais aller à travers prés
cueillir des fleurs
alors un voyou voulut
m'y déflorer

Il me prit par ma blanche main
mais pas sans bonnes manières
il me conduisit au long du pré,
frauduleusement.

Il me prit mon habit blanc,
sans bonnes manières,
il me traîna par la main
très violemment

Il dit :"Femme, allons-y
l'endroit est retiré !"
ce chemin, qu'il soit honni !
j'ai pleuré sur tout ça.

Voici un beau tilleul
non loin du chemin :
j'y ai laissé ma harpe,
mon psaltérion et ma lyre

Comme il arrivait au tilleul
il dit "Asseyons-nous" -
l'amour le pressait fortement-
"faisons un jeu"

Il saisit mon corps blanc,
non sans crainte,
et dit "je te rends femme,
douce est ta bouche".

Il souleva ma chemisette
et quand mon corps fut dénudé,
il entra soudain dans mon petit château,
poignard dressé.

Il prit le cuistot et l'arc
la chasse a été bonne !
Le même m'a ensuite trompée.
Voilà la fin de l'histoire.

Carmina Burana,
Texte et traduction du Clemencic Consort
Harmonia mundi, France, HM 335 


2 commentaires:

chri a dit…

Une chanson avec un viol... Orelsan! Reviens, ils étaient fous!

Christine a dit…

Blogger Christine a dit...

Ce qui m'a étonnée, moi aussi, Chri c'est la crudité des propos: un viol, ni plus ni moins, raconté en vers, écrit par un clerc, comme ça, mine de rien et célébré dans un recueil qui chante l'hédonisme... C'est dire combien la fin'amor ne s'embarrassait pas d'éthique. Orelsan est, à côté de tous ces clercs, un "enfant de choeur" si je peux me permettre l'expression un peu facile, certes !