lundi 10 janvier 2011

Z ζῷα

Τὰ ζῷα τρέχει
(ta dzoa trékeille)

« Les animaux courent», voilà la traduction d’une des premières  phrases que l’on apprend (apprenait ?) en grec ancien et qui  illustre l’accord du verbe au singulier avec un sujet au pluriel neutre.

 Ils courent toujours, depuis cette classe de seconde où,  les effectifs commençant à dangereusement baisser, on pouvait commencer l’étude du grec ancien sous la dénomination « Grec grands commençants » ! Quel motif m’a poussée à choisir cette langue ancienne, si tard? Je me rappelle avoir voulu traduire L’Odyssée dans le texte . Un toc, sans doute !  Mais le chemin se méritait car avant de traduire ce poème homérique, il fallut passer sous les fourches caudines : suivre  le long  périple de Xénophon et de son Anabase. J’attendais avec impatience que les Dix-mille retrouvent la mer et s’écrient "Thalassa, Thalassa " pour rejoindre enfin Ulysse polumétis, l’homme aux mille ruses.

Sur l’itinéraire de Cyrus et de ses Dix-Mille, il y eut notre première découverte de potache  ουκ ελαβον πολιν, αλλα γαρ, ελπις, ηλτον εφη κακα…  (à prononcer « Oukè la bonne Pauline, à la gare, elle pisse, Elton, et fait caca ») . L’art de la guerre virait à la scatologie, ce qui nous ramenait  non pas vers les rives du Pont Euxin mais vers celles bien plus douces de l’enfance où les « pipi caca » déclenchaient systématiquement nos rires !


Les premiers vers du poème homérique arrivèrent enfin et ce furent ceux du chant IX : nous traduisions comme nous le pouvions les repas de Polyphème, ce cyclope anthropophage, gourmand de chair humaine ! La traduction n’avait rien d’épique ! Homère ne nous épargnait rien des détails : je me souviens que ces trois heures de cours étaient placées juste avant le déjeuner. Après avoir eu le cœur dans la gorge, nous l’avions ensuite au bord des lèvres.

Après sept ans de grec, de lecture studieuse de la grammaire Ragon Dain (ça ne s’invente pas) et du Bailly, après un concours difficile,  je n’ai JAMAIS enseigné le grec !

Les animaux n’ont donc jamais pu courir… et j'ai tout perdu! Dommage !

4 commentaires:

Calyste a dit…

Idem pour moi qui en ai commencé l'étude en 4°, au collège. Je l'ai enseigné une année, à trois élèves de seconde ou de première, je ne me souviens pas, et c'est tout. Moi aussi, j'ai tout perdu aujourd'hui.
Nous avions cours en dernière heure, le soir (18-19h?). Je nous revoie, les trois élèves et moi, à errer dans les couloirs sombres du lycée, alors que même la dernière femme de ménage était partie, heureux les soirs où elle ne nous avait pas oubliés et n'avait pas tout fermé à double tour. Il fallait alors appeler le proviseur qui avait tout près un logement de fonction et avait fini par me donner son numéro de téléphone. Temps épiques!!!

Christine a dit…

l faut se résoudre à l'idée que nous sommes devenus, nous les enseignants de langues anciennes, des "fossiles". Outre les effectifs étiques, le passage du latin en option au collège (et les exigences contradictoires qui vont avec), la nouvelle version du Capes Lettres classiques suscite désormais la controverse : les membres du jury de ce Capes se révoltent!

Il est certain que les enseignements du latin et du grec vont disparaître...

Pierre a dit…

- Mais si Christine, vous avez enseigné le grec!
- ...?
- La preuve? Il existe une catégorie "Allos" dans un blog perdu au fin fond de la blogosphère!
Alors?
Qu'est qu'on répond?
On répond: Zut! Zut! Zut! Il va falloir que je réécrive toute ma note.
Meuh non, meuh non... seulement la fin!...

Christine a dit…

Vous êtes un petit drôle, Pierre! Réécrire la note? Alea jacta est!