"La colline était couverte de grandes yeuses crépues, couleur de fer."
Le Chant du monde, J. Giono, III, 1
Ver erat aeternum placidique tepentibus auris
mulcebant zephyri natos sine semine flores.
Mox etiam fruges tellus inarata ferebat
nec renovatus ager gravidis canebat aristis ;
flumina jam lactis, jam flumina nectaris ibant
flavaque de viridi stillabant ilice mella
nec renovatus ager gravidis canebat aristis ;
flumina jam lactis, jam flumina nectaris ibant
flavaque de viridi stillabant ilice mella
"Le printemps était éternel, et de leurs souffles tièdes, les doux zéphyrs caressaient les fleurs nées sans semences. Bientôt même, la
terre, sans être labourée, produisait des moissons et le champ, non travaillé, blondissait sous de lourds épis. Tantôt coulaient des fleuves de lait, tantôt des fleuves de nectar, et de l'yeuse verdoyante tombaient des
gouttes de miel blond." Ovide, Les Métamorphoses, Livre I, v. 107-112, traduction de A-M Boxus et J. Poucet, 2005
Ces quelques vers (célèbres et qui ont inspiré bien des peintres... et des philosophes!) évoquent l'âge d'or, chanté aussi par Virgile et Tibulle; ils sont écrits dans une langue simple, et à la fois ciselée puisque la répétition hyperbolique du mot flumina (fleuves) et rythmique de jam...jam (tantôt...tantôt) font entrer le lecteur dans l'univers merveilleux de l'abondance et de la fluidité. C'est un paradis où l'yeuse pleure du miel : de ses feuilles qui ressemblent à du houx coule le divin breuvage.
Lucas Cranach l'Ancien, 1530 |
Après cet âge, qui connaît la paix et la concorde, viendra l'âge d'argent où le printemps éternel disparaîtra au profit des quatre saisons, obligeant ainsi l'homme à s'abriter des rigueurs de l'hiver et à travailler la terre. Après l'âge de bronze qui révélera son esprit belliqueux arrivera l'âge de fer, l'âge maudit, où la violence et la soif de posséder pousseront les dieux à quitter la terre, tant ils seront scandalisés et déçus par les hommes.
Envers et contre tout, l'yeuse est toujours là et force toujours mon admiration. C'est un bel arbre rustique, puissant, qui persiste et résiste au temps. Seuls les changements climatiques semblent avoir raison de cet arbre typiquement méditerranéen. Il migre vers le nord !
6 commentaires:
"...de l'yeuse verdoyante tombaient des gouttes de miel blond..."
Ecrire c'est aussi faire de la musique.
Tu as raison, Chri, de souligner le travail formidable des traducteurs,rarement cités et peu reconnus. Pourtant, sans eux, le texte ne vivrait plus.
Cette traduction des Métamorphoses est très réussie et ne joue pas "les belles infidèles".
C'est aussi son nom que j'aime par dessus tout et qui me fait rêver.
Ah...! Les Quercus... Sacrée famille!
Famille sacrée.
Il y en a pour tous les goûts. Leur polymorphisme et leur adaptabilité ne facilitent pas la classification...
Le "crépues" de Giono est bien trouvé. La cime, l'enveloppe extérieure de ces arbres étant particulièrement régulière et moutonnante.
La peinture aussi est bien trouvée. Mais de quelle époque, quel lieu, voire quel peintre? (j'm'en pose des questions?!).
Yeuse est effectivement Calyste un mot très doux à prononcer et son Y aurait mérité un poème de Ponge, dans son recueil Le Parti pris des choses avec sa barre bien droite et solide comme le fût de ce chêne si particulier et son V pour l'équilibre de ses branches... C'est un mot changeant aussi avec l'élision du "e" de l'article défini: l'yeuse est rieuse, noiseuse, liseuse... malicieuse. Un arbre qui n'épuise pas les yeux (yeuses ?).
Merci pour les compliments et toutes mes excuses pour cet oubli! J'ai oublié de mettre la légende sous la reproduction: ce peintre, tu le connais parfaitement bien, me semble-t-il ? :-))
Giono en parle souvent de cet arbre, il n'en fait pas le "héros" d'un de ses romans, comme le hêtre; il est cependant toujours là, présent, accompagnant le regard des personnages qui marchent dans la garrigue ou dans les bois.
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