samedi 25 février 2012

Va-nu-pieds

"J'ai griffonné "maison" en lettres majuscules à gauche de la page c'est comme un jeu. Mon grand frère m'a dit qu'on est des SDF mais ça signifie pas qu'il faudrait qu'on la ferme. Alors voilà, il y a deux fois MAISON, je vais en ajouter une troisième. Demain je rendrai ce brouillon qu'on devait rédiger en perm et recopier à la maison. Le prof m'expédiera chez l'assistante sociale ou au bureau du directeur et lui - sait-on jamais - tout à coup va déclarer que la baraque à côté des cuisines est-ce que ça nous dépannerait, ou le vieux vestiaire du gymnase ?
Non. Le directeur s'en fout, il a d'autres projets pour l'occupation des locaux puants. Il nous signalera à la mairie, une mère au chômage, deux ados râleurs, on traînera dans un dossier de plus. Pourtant j'ai écrit MAISON une fois encore. C'est mercredi. J'irai pas au bout de la semaine, le prof a dit que cent lignes ça suffit.

M arie (c'est-à-dire la Sainte Vierge)
h s'il te plaît (merci)
I   nvente un miracle
S  pécial. Que Dieu qui a fait le ciel et la terre et le terrain pour construire
O rdonne aux HLM de se grouiller (merci) afin de
N ous reloger (même dans quinze mètres carrés). Parce que sinon -

(Sinon quoi ?)
Amen
                                       Le Tapis du Salon, Annie Saumont, Julliard, 2012, p. 62-63

« Je veux, si je suis élu président de la République, que d’ici à deux ans, plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir et d’y mourir de froid. Parce que le droit à l’hébergement, je vais vous le dire, c’est une obligation humaine. »

 Nicolas Sarkozy – Charleville-Mézières (Ardennes) – 2006

6 commentaires:

chri a dit…

Si on se met à lister tout ce qui devait être fait et qui ne l'a pas été! Comment peut-il avoir un porte paroles puisqu'il n'a pas de parole!

Christine a dit…

Chri,
J'ai tenu à écrire cette note parce que la nouvelle d'Annie Saumont, intitulée A la maison, écrite sous la forme de trois acrostiches, m'a remuée: cette jeune écrivaine de 85 ans redonne de l'acuité au problème des sans-logis ou des mal-logés, que notre pays (nous, y compris) banalise de plus en plus.
Dans cette mode littéraire d'autofictions, où chacun raconte (ses petits mais pourtant vrais)malheurs, j'avais envie de faire entendre la voix de cette femme(traductrice de L'Arrache-coeur)loin d'être gâteuse et qui parle, sans être pesante ni moralisatrice, de tous ces "misérables" dont le propre est précisément de n'avoir pas "les mots pour le dire".
Jean Valjean et Champmathieu, rappelle-toi, ne savent pas parler non plus dans le roman de notre Totor: ils parlent sans lien logique dans leur discours, ils utilisent des phrases simples, ils se répètent, citent des épisodes de leur vie sans y mettre de cohérence.
150 ans après la publication des Misérables, nous en sommes toujours là. Je regrette au fond la citation de Sarkozy...C'est lui faire la part bien belle ! J'aurais dû citer Victor Hugo.

chri a dit…

Je ne parlais moi que de celui qui a été notre Président pendant cinq ans mais au pouvoir depuis dix neuf... Qu'a-t-il fait, lui?

Christine a dit…

Oui, oui, Chri, j'avais bien compris.On est bien d'accord, il n'a rien fait! Rien de rien...

Flocon a dit…

Vous êtes sévère Christine.

« Il » a fait beaucoup, beaucoup de promesses, d'ailleurs vous en citez une quand elles se comptent par milliers...

« Il » a également fait étalage de son inculture crasse et de sa vulgarité..

« Il » fait également montre montre d'un courage qui frôle l'inconscience en allant vers le corps enseignant lui proposer de travailler plus (26 h de présence au lieu de 18 h ai-je compris, 40% de plus) pour gagner plus (25%), motivation première des enseignants comme on sait. En plus l'éducation est au cœur de son programme pour un second mandat...

Qu'il y ait encore peut-être 15% des membres de l'E.N qui voteront pour lui laisse pantois.

Profs d'éducation physique? Profs d'économie? Facs de médecine, c'est sans doute plus vraisemblable.

(Et pourquoi n'y a-t-il qu'un « s » à ce dernier mot qui devrait donc se prononcer « invraizemblable » comme me l'avait appris ma maîtresse, Mlle Legrand en 1958? Origine teutonne?

Christine a dit…

Flocon,
Je vous retrouve bien là! Contente de vous revoir en tout cas.
L'Education, nommée autrefois l'Instruction publique (au moins la mission était clairement définie !), est toujours l'objet de promesses ou de menaces. Au fil des mandats, chacun y va de sa réforme, de ses conceptions... Au bout du compte, plus de pression, des boucs émissaires tout désignés. Comme si l'école n'était pas le reflet de la société.
Mais Zarkossy, lui, il fait fort. Plus oultre, pour reprendre le mot d'un conquérant§
26 heures dans l'établissement, ok! Mais en rentrant chez moi le soi, plus de copies, plus de préparation de cours! Inutile d'ajouter que pendant les vacances je me la coulerai douce: fini la préparation des progressions annuelles, de la mise en place de stratégies pour s'adapter à tous les publics! 8 heures de plus, ben voyons c'est ça la solution! Il fallait y penser...
Si aujourd'hui mes semaines dépassent largement les 18 heures de présence comme beaucoup de mes collègues, c'est une autre affaire que de jouer les petits capos en imposant des dispositifs qui sont des cautères sur une jambe de bois. Pourtant d'autres pays européens, en se donnant les moyens de leur politique, proposent une Ecole sans stress (en France, des familles cherchent La meilleure école maternelle), intelligente (on laisse les "petits" jouer, dessiner, colorier,
on fait passer les examens dans la langue maternelle des enfants issus de l'immigration- la langue du pays est donc langue vivante II), efficace et pas centrée sur le "tout évaluation" comme en France.
Le s prononcé ss dans vraisemblable, bien qu'en position intervocalique ? Peut-être parce que le mot issu du latin verisimilis a gardé la prononciation latine: tous les s se prononçaient ss même rosa (rossa). Cette prononciation illogique se retrouve dans les verbes à préfixe "re" comme dans "resaisir"...