mercredi 12 janvier 2011

Z lettre maudite

Le 15 janvier 1944, le convoi Z quittait le territoire français pour Birkenau: il comptait 145 Tsiganes arrêtés dans le Nord de la France.  Z pour Zigeuner (Tsigane en allemand), triangle marron.

Pendant la dernière guerre, le gouvernement de Vichy s’est « contenté » d’interner Tsiganes, Manouches, Gypsies, nomades (les chiffres varient entre 3000 et 6000 individus pendant le conflit) : une trentaine de camps ont été recensés sur le territoire. Certains ont été ouverts avant l’Occupation et les derniers furent fermés en 1946. Oui, vous avez bien lu, en 1946 !

Pendant la guerre, les Tsiganes du Nord ne se sentaient pas trop inquiétés, même si dès 41 ils devaient faire viser chaque mois une « carte » de nomades. Le convoi Z de janvier 44 demeure donc une triste exception : à partir d’octobre 43, Himmler ordonne des arrestations massives.  En Belgique d’abord puis à Roubaix, Arras, Tournai. Des familles entières sont arrêtées et pendant plusieurs semaines internées  à Malines, dans la caserne Dossin : il sont tous maltraités.  Aux 145 Tsiganes français  rassemblés pour partir à Birkenau  s’ ajoutent  peu à peu 121 Tsiganes belges. De ce convoi survivront une douzaine de déportés. 


C’est de ce fait que s’est inspiré Tony Gatlif pour son film Liberté  sorti  sur les écrans en février 2010. Hélas! son film a été mal distribué et le tapage médiatique fait autour de La Rafle  , film sorti au même moment, a remporté la mise: pourtant, le thème connu et reconnu de ce énième film sur la déportation des Juifs dégoulinait de bons sentiments et quel ménage peuvent faire les bons sentiments et l’horreur à l’état pur ? Du coup, Liberté sorti au même moment n’a pas permis au grand public de découvrir le sort de cette communauté dont 500 000 membres ont été exterminés et n’a pas atteint le but recherché : reconnaître l'internement et la déportation de cette population, passée longtemps sous silence, comme celle des homosexuels, aussi.

6 commentaires:

Calyste a dit…

Je me suis laissé dire qu'il existait même, il y a quelque temps, des associations d'anciens déportés qui refusaient la présence d'homosexuels aux cérémonies commémoratives! A chacun sa race impure...

Christine a dit…

Calyste, j'ignorais ce fait; je viens de lire que ce dont vous parlez a eu lieu à Lyon en avril 2002, lors de la journée de la déportation (dernier dimanche d'avril), mais aussi à Nice très récemment. Les associations des déportés homosexuels sont "tolérées" en marge des cérémonies officielles: elles peuvent déposer leurs gerbes, une fois les places désertées et les drapeaux baissés. A Bordeaux et Metz, elles sont purement et simplement exclues: une ségrégation du souvenir! C'est scandaleux et on se demande bien pourquoi tous les représentants des victimes de la barbarie nazie ne peuvent être associées pendant cette journée commémorative? Et quand on sait combien la France aime donner des leçons de démocratie et de tolérance au monde!

Anonyme a dit…

Calyste a raison de rappeler l'ostracisme dont sont victimes les homosexuels lors de ces commémorations.

J'en ai entendu parlé vers 1982 et à peu près rien n'a changé depuis.

Où sont SOS racisme? La Licra? B.H.L? La L.D.H? Glucksman? Finkielkraut et consorts? Les Paris politiques? du PS dont on ne peut plus rien attendre au P.C en passant par les Trotskystes? On ne parle même pas de la communauté juive qui s'est presque appropriée la Déportation et le génocide.

Cela se passe tous les ans, en avez-vous jamais entendu parler dans les medias?

Dans un tout autre registre, le phénomène de deux films qui sortent quasi simultanément, l'un au détriment de l'autre évidemment, s'est produit avec Les Liaisons dangereuses de Frear et la version d'un autre dont le nom m'échappe à ce moment précis.

Flocon

Christine a dit…

Flocon, il s'agit de Valmont, de Milos Forman sorti en 1989, à six mois d'intervalle du film de Frears. Valmont était incarné par Colin Firth qui interprète actuellement le rôle du roi George VI, dans le film de Tom Hooper Le discours d'un roi, que j'ai très envie d'aller voir...

Marine a dit…

En lisant ces commentaires je pense à Berlin. Et à cette image, très forte, du mémorial des homosexuels. Il est certes en retrait. Rien d'aussi impressionnant que celui de l'holocauste, cet alignement de blocs de pierres, de différentes tailles, de différentes hauteurs, formant un labyrinthe gigantesque à quelques mètres seulement du lieu où se trouvait le bunker d'Hitler. Mais il est là. A la bordure d'un parc où les jeunes Berlinois viennent rêvasser dés que le soleil pointe son nez. Une colonne, haute, simple. Qui lorsqu'on s'en approche révèle un petit écran sur lequel passe en boucle le baiser langoureux de deux hommes. Les Allemands seraient-ils donc plus aptes à rendre hommage à TOUTES les communautés victimes de la barbarie nazie?

Christine a dit…

Oui! Tu as raison!
Mais si seulement les monuments mémoriaux empêchaient la barbarie toujours rampante et vivace!

Lundi, s'est ouvert le procès des agresseurs de Bruno Wiel, tabassé et torturé par 4 agresseurs au motif qu'il était homosexuel; cet acte d'homophobie s'est déroulé en 2006, en France...