Une si longue absence... mais la vie happe, dévore, engloutit.
Depuis quelques semaines, émotions et agitations rythment mes jours.
Fin avril: ma fille devient docteur en pharmacie. A sa soutenance, toute notre famille - même son arrière-grand-mère est là. Le soir, c'est la fête dans une pizzéria toute simple: nous sommes 21, les chercheurs en cancéro de l'Inserm -coucou Zaeem, Yosra, Marie, Mouna, Jérôme- ses copains de lycée - coucou Charles, Brieg, Christophe-, ses amis de la fac - coucou Margaux, Abel, Michel- et nous au milieu de ces "têtes" si humbles et si savantes, si exploitées aussi... Yousra est chercheur en Tunisie: elle s'est battue pour les dernières élections dans son pays. "Tu sais, il faudra du temps pour que la démocratie arrive dans notre pays; je ne suis pas pessimiste". Zaeem, lui, a toujours une situation précaire en France: "le visa de séjour reste toujours un problème." Jérôme, diplômé d'Harvard, doit tenter, quelques jours après, le concours de recrutement de l'Inserm: c'est une pointure en immunologie mais la France méprise ses chercheurs.
Début mai: j'apprends que je suis reçue à mon Capes Lettres modernes. Je l'avais déjà réussi, en Lettres Classiques, il y a trente ans, mais mon interruption de carrière me l'avait fait perdre, ainsi que mon ancienneté et mon échelon. J'ai redémarré à zéro, maître auxiliaire, le Smig et la précarité de l'emploi puisque chaque année, je pouvais faire des remplacements ici ou là. Je ris (jaune). Je dois être une perle rare en France : certifiée deux fois, en trente ans, en Lettres classiques et en Lettres modernes. Suis bien décidée à me battre pour faire reconnaître dans mon reclassement les années... d'autrefois.
Lors de l'épreuve orale, stupéfaction : l'épreuve que je devais passer ressemblait comme deux gouttes d'eau à celle des années 80 : l' Ecole serait-elle toujours la même depuis ces temps antédiluviens ? Les savoirs savants, est-ce la parade idéale pour s'occuper de collégiens "dys"et pour affronter toutes les vicissitudes du métier ? Je ris (jaune)
Week-end du 8 mai: en balade avec nos latinistes en France gallo-romaine -coucou Calyste : le musée de Lyon ? Grosse déception, mais le Pont du Gard, Nîmes, Arles, bien, très bien - coucou Chri !
Ai bien pensé à vous, mais comment faire connaissance au milieu de 44 jeunes ados ? Voyage très très réussi, malgré le déluge lyonnais.
Depuis une semaine, répétitions sur répétitions pour finaliser le projet théâtre de la 4ème Debussy : une classe de 17 élèves, essoufflés par les rythmes scolaires, en perte de vitesse, en chute libre pour certains : pour les réconcilier - tenter de-, ils mènent un projet théâtre avec un professionnel et toute l'équipe pédagogique. La pièce ? Les Misérables ! Etonnant, non? Mais quelle réussite! Trois représentations, devant les copains de 4ème, de 3ème et le soir devant les adultes. "J'ai pas dormi de la nuit, M'dame. J'ai peur!" Frédéric, un enfant précoce qui refuse de nous montrer ses capacités: une histoire familiale lourde. A pleurer. Frédéric, que j'ai l'impression de connaître depuis toujours et qui me fait monter les larmes quand je le vois jouer Jean Valjean...Ils vont se sentir orphelins la semaine prochaine, mais ils seront des stars, eux la drôle de classe que certains regardaient de haut...
Entre temps, parce que je n'ai pas eu de vacances, pas un moment pour lire "gratuitement"ou pour me régaler intellectuellement, j'ai repris le chemin du cinoche , du théâtre et des musées
Trois très grands coups de coeur :
Les Cancans, de Goldoni au Théâtre 13 à Paris mis en scène par Stéphane Cottin : ju-bi-la-toi-re ! Une troupe pleine d'énergie composée d'acteurs de 18 à 60 ans. Une rumeur qui enfle , qui enfle et qui désenfle. Formidables d'intelligence, astucieux, rusés ! Des acteurs qui jouent. Vraiment.
Pendant ce temps, Audiard se pavane dans toutes les salles: j'ai DÉTESTÉ De rouille et d'os. Vraiment. Insupportable de pathos à la noix .La dernière demi-heure, on se dit: "Ah non! Il va pas nous la faire, celle-là !" Eh bien si ! Il la fait, sans vergogne... Le personnage de Marion Cotillard dit de la petite frappe qu'elle a rencontrée : "Mais si, la délicatesse, tu sais ce que c'est!" Faudra nous le démontrer ça... Me suis em... à cent sous de l'heure. J'aurais dû prendre la poudre d'escampette dès la première demi-heure, quand ça sentait le roussi.
Enfin, jeudi dernier, nous sommes allés découvrir au Musée des Lettres et des Manuscrits, l'exposition consacrée à Sur la route, de Jack Kerouac. Le rouleau de 36 mètres y était exposé : il est en France pour trois mois seulement. Sur les côtés de cette "route" en papier calque, les itinéraires empruntés par Jack, ses "pères" littéraires (Proust, Rimbaud, Baudelaire, London) illustrés par leurs propres manuscrits (on est dans le musée spécialisé , non ?) , des photos, le scénario annoté de la main de Walter Salles (film présenté à Cannes et sorti en salle mercredi dernier), des objets du film, la lettre de Kerouac à Brando, le suppliant presque de bien vouloir jouer dans le film- Marlon a décliné l'offre, il aura fallu plus de 60 ans pour voir sa première adaptation! Bref, une petite expo, pas trop chronophage, rudement bien faite et intelligente;
Aujourd'hui, 30° à Evreux. Je suis en vrac. Normal, docteur ?