Cette interjection argotique était utilisée dans certains corps de métiers. Dans Le Dictionnaire historique des argots français, Gaston Esnault, 1965, on la trouve dans le vocabulaire des typographes (1874) "Méfiez-vous, voilà le patron". Ce chiffre renverrait au corps des lettres, le 22 en étant un nettement plus gros que celui utilisé. Pendant l'absence du prote (autrement dit le contremaître), les ouvriers pouvaient enfin parler. Ce cri "Vingt-deux!" signalait son retour et mettait fin aux bavardages peu tolérés dans les ateliers.
Elle appartient aussi au vocabulaire des charpentiers (1912), dans le sens de "Gare aux pieds !" quand ils jetaient une poutre à terre.
Puis apparut l'expression "22, v'là les flics", chez les malfrats et les gamins de Paris, à la fin du XIXème, faisant peut-être allusion au nombre de boutons sur la vareuse des policiers (11 apparemment ) qui patrouillaient toujours par deux.
L'étymologie reste obscure. Certains linguistes pensent que cette interjection serait la déformation de "Vingt dieux", juron très populaire jadis (et encore aujourd'hui dans certains villages de Normandie profonde).
Toujours est-il que le "Vingt-deux, v'là les flics", a eu de beaux jours devant lui: aujourd'hui, il a une variante "Vingt-deux, v'là les keufs". Mieux ! Il a des "frères" dans certaines langues : sedici (16, chez les maçons italiens), twenty-three skidoo (Vingt-trois, fous le camp chez les Anglais ou Laisse -moi tranquille, dans le slang de l'Amérique des années 20).
Cerise sur le gâteau : un verbe vingt-deuser (attesté aussi en vingt-dieuser, 1919), signifiant "donner l'alerte" serait dérivé de cette petite interjection qui méritait bien un billet...