jeudi 31 mars 2011

Les Ziaux de Catherine

Ce cher Raymond Queneau... dont on ne peut oublier Zazie dans le Métro et puis et surtout Les Ziaux (poème qui donne son titre au recueil) pour une autre transition vers le Y ...



LES ZIAUX
les eaux bruns, les eaux noirs, les eaux de merveille
les eaux de mer, d'océan, les eaux d'étincelles
nuitent le jour, jurent la nuit
chants de dimanche à samedi
les yeux vertes, les yeux bleues, les yeux de succelle
les yeux de passante au cours de la vie
les yeux noirs, yeux d'estanchelle
silencent les mots, ouatent le bruit
eau de ces yeux penché sur tout miroir
gouttes secrets au bord des veilles
tout miroir, tout veille en ces ziaux bleues ou vertes
les ziaux bruns, les ziaux noirs, les ziaux de merveille

Raymond Queneau, 1943

Zazie est passée à la trappe. Merci Catherine d'avoir rendu hommage à cet écrivain dont le nom est associé à l'Oulipo.

mardi 29 mars 2011

Zugswang d'Anijo

Voici le mot proposé par Anijo...

Je ne savais pas que c'était un terme d'échecs... et qu'une célèbre partie s'est appelée l'immortelle du Zugswang;  en revanche, je sais Anijo que tu es une excellente joueuse d'échecs...




Anijo, merci de te prêter au jeu !

lundi 28 mars 2011

Z point final

Lorsque j'ai commencé ce blog et cet abécédaire, je me disais que j'aurais vite réglé le compte du Z ! Cette lettre ne me semblait pas très "volubile". Et puis au fil des jours, de ma pensée, les  mots commençant par Z me sont venus à l'esprit plus facilement que je ne le croyais.

Certes, je vais quitter cette lettre en laissant derrière moi des mots qui auraient pu appartenir à ma "géographie intérieure" comme le Zambèze, fleuve que je ne connais pas mais dont l'enveloppe sonore m'a toujours fait rêver. J'aurais pu évoquer Zarathoustra et Zadig, suite à une émission de radio que j'avais écoutée et que j'avais trouvée passionnante. Il manque aussi le Zouave de l'Alma sur lequel j'avais préparé une note qui regrettait que ce marqueur des crues de la Seine, ne puisse plus rien mesurer puisqu'il a été remonté lors de l'aménagement du pont. Il manque encore zinzin  et le verbe familial "ziziner", qui épate toujours nos intelocuteurs lorsque nous le prononçons. Il y avait de quoi faire sur le zèbre, le zloty, Zébulon et le Manège enchanté,  le Zénon de Yourcenar.... Tous ces mots-là manquent à l'appel mais pas de regrets. D'après le dictionnaire du scrabble (qui inclut les formes conjuguées, c'est de la triche) , il y aurait .... j'en ai le vertige.... je vous laisse découvrir la liste ci-dessous! 

Nombre de mots commencant par la lettre a : 28303
Nombre de mots commencant par la lettre b : 17852
Nombre de mots commencant par la lettre c : 39397
Nombre de mots commencant par la lettre d : 41585
Nombre de mots commencant par la lettre e : 36080
Nombre de mots commencant par la lettre f : 13381
Nombre de mots commencant par la lettre g : 11619
Nombre de mots commencant par la lettre h : 6870
Nombre de mots commencant par la lettre i : 12371
Nombre de mots commencant par la lettre j : 2867
Nombre de mots commencant par la lettre k : 1054
Nombre de mots commencant par la lettre l : 8227
Nombre de mots commencant par la lettre m : 18709
Nombre de mots commencant par la lettre n : 4881
Nombre de mots commencant par la lettre o : 6098
Nombre de mots commencant par la lettre p : 29261
Nombre de mots commencant par la lettre q : 1214
Nombre de mots commencant par la lettre r : 37768
Nombre de mots commencant par la lettre s : 23850
Nombre de mots commencant par la lettre t : 17056
Nombre de mots commencant par la lettre u : 1174
Nombre de mots commencant par la lettre v : 7655
Nombre de mots commencant par la lettre w : 269
Nombre de mots commencant par la lettre x : 111
Nombre de mots commencant par la lettre y : 343
Nombre de mots commencant par la lettre z : 1097 !

Les  mots en Z en tout cas m'ont apporté beaucoup de joie : un blog qui vit grâce à vous, qui me commentez ou me lisez  régulièrement. Soyez-en  toutes et tous remerciés...

Si l'un(e) d'entre vous avait un mot commençant  par Z à coeur et voulait en parler, ce blog est à sa disposition!

samedi 26 mars 2011

Zouave... chinois

 Barenboim dit de lui qu'il a douze doigts... et lui a appris ce petit jeu !

Une curiosité pour le week-end que je vous souhaite doux et agréable.


Enigme

Quels auteurs se cachent derrière ces rapides évocations biographiques?

A. Son père était professeur de mathématiques et écrivit un livre sur les fonctions exponentielles qu'elle perdit. Il meurt quand elle a sept ans. Sa mère achète une terre qui "coule" ses économies de vingt ans. Elle fait des études de droit et travaille à la préparation de l'Exposition Universelle de 1937. Le nom du ministre pour qui elle travailla devrait vous mettre sur la piste: il mourut fusillé par la milice française en 44, en forêt de Fontainebleau.

 B. Elle trouve avec son père, un homme grand voyageur, riche et cultivé, son nom d'écrivain: c'est l'anagramme à une lettre près de son nom patronymique. Elle passe son bac à Nice sans avoir fréquenté l'école. Dix ans après la mort de son père, n'ayant plus d'argent, elle part aux Etats Unis où elle s'installe avec son amie et devient professeur de littérature française. Pour le héros du livre qui lui a donné le statut définitif d'écrivain, elle dit avoir hésité entre ce héros-là et le mathématicien-philosophe, Omar Khayyam. Son oeuvre a été longtemps inspirée  de  sagesse orientale.

C. Son père fut l'astrologue te le médecin d'un roi de France, qui compta parmi ses généraux  le fameux Bertrand du Guesclin. Très tôt, elle écrivit de la poésie. Après la mort de son père et de son mari, ruinée, elle étudie les auteurs et se met à écrire d'une façon très pléthorique. On a dit d'elle que ce fut l'une des premières femmes savantes.

D. Orpheline de père et de mère à sept ans, elle est élevée par sa famille maternelle. Belle, cultivée, dotée d'un bel esprit, elle devient une des mondaines du siècle. Le départ de Paris de sa fille la pousse à écrire. Elle devient "un écrivain malgré elle".

E. Exilée de Russie, puis installée en France où elle commence à publier,  elle subit l'aryanisation dans l'édition. Elle se réfugie dans le Morvan avec son mari et ses deux filles. Elle rédige le manuscrit de son dernier livre lorsqu'elle est arrêtée par la gendarmerie française en 1942. Son mari tente de nombreuses démarches pour la faire libérer. Il est  arrêté quelques mois plus tard et meurt, comme elle, à Auschwitz. Ce sont leurs  deux filles qui feront éditer le dernier manuscrit de leur mère, presque 60 ans plus tard..

Comme vous en avez l'habitude, vous pouvez envoyer vos réponses par mail  à xtinemer@gmail.com avant dimanche soir 19 heures . Je vous donnerai des indices supplémentaires si vous hésitez.
Amusez-vous bien!

Réponse

Tout d'abord,  de nombreux gagnants pour cette énigme. Catherine, Cathie, Eric et  Patrick ont su rendre les quelques éléments biographiques à leurs "auteurs". Ont participé vaillamment Pierre et Flocon, à qui il manquait une ou deux réponses.
Merci de votre participation. Bonne semaine à toutes et à tous!

Il s'agissait donc de:
A. Marguerite Duras 
B. Marguerite Yourcenar, de son vrai nom de Crayencour
C. Christine de Pisan
D. Marie de Rabutin-Chantal dite Mme de Sévigné
E. Irène Némirovsky


mercredi 23 mars 2011

Zurbaran (2) Juan, le fils

A l'occasion de ma  dernière note sur  Francisco Zurbaran, Pierre a parlé de la fameuse nature morte Bodega de limones de Juan Zurbaran, le fils . J'avais donc ajouté le tableau que je croyais le bon... Mais j'avasi fait erreur; Voici donc le tableau dont il était question  auquel j'ai tout naturellement ajouté le commentaire de Pierre qui vous fera regarder désormais les citrons autrement.

"Juan (1620-1649) élève magnifiquement prometteur du père, comme on peut en juger en allant voir "Bodegon de Limones" à Madrid, au Museo de la Real Academia de las Bellas Artes de San Fernando. Très émouvante nature morte de 36 cm sur 50.
Avec le reflet d'or des fruits sur le rebord du plat d'argent - lumière indirecte éclairant à son tour les feuilles, en forme d'arbres; et les extrémités ce ces fruits, toujours, dans lesquelles, par le dessin très précis et la rondeur générale, on ne peut voir autre chose que de discrets mais très réalistes et appétissants tétins..."  
 

lundi 21 mars 2011

Zek

"Zek" du mot russe "zaklioutchonny", détenu.

En préparant l'énigme du dernier week-end, j'ai relu le premier roman de Soljenitsyne sur l'univers concentrationnaire soviétique,  Une journée d'Ivan Denissovitch. Ce livre, publié en 1962, a fait connaître mondialement cet auteur russe et en relisant certains passages, je me disais que c'était ce livre-là qui restait pour moi le symbole de cette littérature du Goulag. Bien sûr, il y eut après Le Pavillon des cancéreux, puis L'Archipel du Goulag mais  j'ai un faible pour Ivan Denissovitch  parce que c'est le premier que j'ai lu sur ce thème :  j'ai retrouvé la même émotion. Intacte. Avec en plus le filtre de l'âge : une  seule journée qui résume déjà huit ans, et sans doute plus. C'est très fort.

Henning Mankell, auteur suédois que j'ai entendu samedi dernier au Salon du Livre, racontait que des centaines de lectrices du monde entier lui écrivaient pour aider Kurt Wallander, le héros de ses romans policiers, dans son difficile rapport aux femmes. Mankell s'étonnait que des personnages puissent devenir les amis, les proches d'êtres humains. "S'étonnait", n'est pas le terme: il trouvait ce rapport formidable. J'ai toujours gardé en moi le personnage de Choukov, un gars bon, pas retors, foncièrement victime d'un système hallucinant mais gardant jour après jour une lucidité patiente qui ne demandait rien au lendemain. Il fait partie de mes amis.

J'ai corné bien des pages pour vous faire partager des passages que je trouve admirables: il y en a mille mais je vous livre celui-là, rien que celui-là, qui  ramène  à ses justes dimensions notre condition humaine.

"Pendant ce recompte du retour, le soir, à la porte du camp, après une journée au vent, au froid et le ventre affamé, le zek ne pense qu'à une chose: à sa louchée de soupe à l'eau qui brûle. Il l'attend comme la terre espère la pluie par les étés de sécheresse. Il la lamperait  d'une goulée. Cette louchée, à pareille heure, il y tient plus qu'à la liberté, plus qu'à la vie, à toute sa vie d'avant et à toute celle d'après." 10/18, p.149, traduit du rusee par Lucia et Jean Cathala.

Je pense que c'est par cette réalité  simple, tangible, humble voire triviale qu'on touche à la profondeur de la souffrance .
 
Un autre auteur a écrit un livre ou plutôt des fragments fulgurants et forts, sur les camps du Goulag : c'est Varlam Chalamov avec ses Récits de la Kolyma.  Pour Chalamov la question était de savoir " comment traduire dans la langue des hommes libres une expérience vécue dans une langue de zek , de "crevard", composée de vingt vocables à peine."

"On ne montrait pas le thermomètre aux travailleurs: c'était d'ailleurs parfaitement inutile: il fallait sortir quelle que fût la température. En outre, les anciens se passaient de thermomètre: s'il y a du brouillard, il fait quarante au-dessous de zéro; si on respire sans trop de peine, mais quje l'air s'exhale avec bruit, cela veut dire q'il fait moins quarante-cinq; si la respiration est bruyante et s'accompagne d'un essoufflement visible, il fait moins cinquante. Au dessous de moins cinquante, un crachat gèle au vol. Cela faisait déjà deux semaines que les crachats gelaient au vol."   p.36, Verdier,  traduction Sophie Benech, Catherine Fournier, Luba Jurgenson

samedi 19 mars 2011

Zingarelle

Voici une sucrerie de Flocon , en écho à nos échanges sur l'art lyrique.

Il m'a écrit sa déception que je n'aie pas traité Zingarelle (pas complètement vrai, puisque j'ai consacré une note -assez tragique-aux Tsiganes  et une note à Zeffirelli et "sa" Traviata"). Aussi, pour réparer cet oubli absolument scandaleux et pour régaler tous les gourmands,  voici ce bijou.


L'Opéra imaginaire, Pascal Roulin

vendredi 18 mars 2011

Enigme

Voici  cinq courtes descriptions qui évoquent cinq personnages romanesques. A vous de trouver leur nom et l'oeuvre à laquelle ils appartiennent. Amusez-vous bien!


 
Helen Schjerfbeck, Maria, 1909, 57 x 73
1. Après bien des désillusions et des chagrins, cette Normande humble  et travailleuse s'entiche d'un oiseau rare et voit en lui le Saint Esprit.

2. Il est sur une plage. Il lutte contre le soleil aveuglant et la chaleur pesante. Il est tendu comme un arc. Il veut atteindre l'eau de la source qui coule, là-bas derrière le rocher. Il fait un mouvement en avant. Un pas de trop. Il tire et tue.

3. Chassé de la maîtrise du roi, parce que sa voix a mué, il arrive un beau jour, sur les recommandations d'un violiste, chez le spécialiste de la septième corde. Le maître en l'écoutant lui dit froidement qu'il fait de la musique mais qu'il n'est pas musicien; l'affaire est mal partie  mais  sur l'intervention de ses filles et après l'avoir entendu jouer un "badinage", le maître accepte de le revoir un mois plus tard.

4. Ce matin-là, contrairement  à tous les matins, il a du mal à se lever. Il se sent mal. Un Tartare, pas commode, le menace de l'envoyer au mitard. Il y échappe mais à la place, c'est corvée de nettoyage de plancher dans la baraque de l'administration! Il a fini. Dehors, il fait moins trente. Il tente de se faire porter pâle à l'infirmerie. Pas de chance ! C'est complet !  Un copain lui a gardé sa soupe de chou noir (c'est la saison qui veut ça!) mais elle est froide.  Il retourne discrètement vers sa baraque, se dirige vers son châlit, planque son pain sous la sciure de la paillasse, borde la couverture. Il regrette ses brodequins confisqués parce qu'il a déjà des valienki. La journée va être plus dure que les autres.

5. Elle se laisse mourir parce qu'elle a reçu une lettre de lui où il répétait sans cesse "Ce n'est pas ma faute".

Vous voudrez bien m'envoyer vos réponses comme d'habitude par mail à  xtinemer@gmail.com avant dimanche soir 19 heures. Si vous avez des questions ou besoin d'indices, n'hésitez pas  à m'écrire.

Réponse

L'heureuse gagnante est Catherine, talonnée par Pierre et Flocon, puis par Stéphanie,  Jacques et Anijo. Bravo à vous toutes et tous ! Merci d'avoir participé avec autant d'enthousiasme !

Il s'agissait donc de :

1.  Félicité dans Un cœur simple de Gustave Flaubert
2.  Meursault dans L’Étranger d’Albert Camus,
3.  Marin Marais dans Tous les  matins du monde de Pascal Quignard
4.  Choukhov Une journée d'Ivan  Denissovitch d'Alexandre Soljenitsyne
5.  La Présidente de Tourvel dans Les Liaisons dangereuses de Pierre Choderlos de Laclos (elle reçoit cette lettre de Valmont , lettre qui lui a été totalement inspirée par "la" Merteuil)

mercredi 16 mars 2011

Zulma

Zulma est avec Aurore, l'une des héroïnes les plus jeunes du roman de Jean Giono Que ma joie demeure, publié en 1935. Elle tient une place toute particulière dans cette fiction, même si sa présence est discrète. Mais revenons à l'histoire...

Le héros de ce roman s'appelle Bobi : il débarque par un "clair de toute beauté" sur le plateau de Grémone, un lieu qui rappelle la Provence, mais qui pourtant est un "non lieu", une utopie., au sens littéral du terme. Sur ce plateau aride, vivent quelques familles qui se fréquentent à peine, qui usent leur vie au travail pour amasser un peu d'argent qui ne sert à rien,  dans une solitude et un ennui incommensurables.

Bobi arrive donc sur ce plateau pour apporter " une parole nouvelle": il propose  aux habitants la quête de la joie, un idéal où l'on partagerait les biens, les terres et le travail tout en recherchant une harmonie entre les hommes, les animaux, la nature et les éléments. Cette entreprise ambitieuse, qui révolutionne la société paysanne traditionnelle, se heurtera aux forces de la passion charnelle et à l'Homme lui-même  qui  n'est pas accordé, contrairement aux animaux, aux forces naturelles et qui  "a perdu la joie des saisons et la gentillesse naïve."

Seule Zulma, la gardienne de moutons, parvient à cette harmonie avec la nature: sa fusion  entraîne même sa rupture avec l'humanité qui la rendra définitivement étrangère: les autres ne comprennent plus son langage. Marthe, une des autres femmes du roman, arrive cependant à comprendre, après une conversation énigmatique avec Zulma, "qu'on ne peut pas faire durer la joie" et même "qu'il ne faut pas le désirer." Il ne peut y  avoir d'état permanent de joie, seulement des instants.

La langue de Giono, l'une des plus poétiques à mon goût, sert à merveille le portrait qu'il dresse de Zulma, sorte de Cybèle puissante et sereine.

" Zulma était vêtue des vêtements que Le Noir avait taillés pour lui dans les peaux. Mais elle était forte. Elle avait de beaux seins, lourds et gonflés et des hanches qui remplissaient les vêtements d'homme. Elle était comme une géante de laine. D'un col, pour lequel Le Noir avait soigneusement choisi le poil luisant et frisé d'un agnelet mérinos, émergeait le visage placide aux lèvres épaisses et plates, aux yeux immobiles, aux larges narines, aux cheveux de paille, coiffés en cent tresses tramées serrées comme les fils d'une étoffe de soie et ils portaient la couronne d'épis de fétuque. [...]

Un bélier invisible parla à ses brebis. Puis les moutons apparurent autour du creux de campement. La jeune fille les appela.  Ils descendirent à côté d'elle. Ils portaient des oiseaux accrochés dans leur laine. Ils se couchèrent dans le creux, autour de Zulma, autour du feu, sur les pentes."
 

dimanche 13 mars 2011

Zhu Xiao-Mei

Elle est Chinoise. Elle est née en 1949. Elle est pianiste. Son premier professeur est sa mère qui lui apprend le piano  "mais pas comme tout le monde. Avec elle, les accords, les enchaînements, les déplacements s'éclairent comme par magie ! Chaque note représente un membre de notre famille : au lieu d'aller de do à sol je vais de Papa à Xioru, c'est tellement plus amusant ! Puis nous passons aux exercices les plus simples de Czerny, aux gammes, aux arpèges."

Elle entre au Conservatoire de Pékin en 1960. Elle déchante, le travail est éreintant . S'y ajoutent des séances de dénonciation, d'autocritique surréalistes. Sa chance ? Un professeur de piano, Pan Yiming qui se rattache à l'école russe qui n'aura de cesse pendant deux ans de l'encourager et dont elle écrit dans son autobiograhie La rivière et son secret, Robert Laffont, paru en  2007 : " Merveilleux professeur au confluent de deux écoles du piano. L'école chinoise d'un côté, qui privilégie la souplesse, la légèreté, la fluidité, un sens calligraphique de la ligne mélodique, mais aussi la distance aux émotions , et leur contrôle. L'école russe , de l'autre, celle du geste large, du romantisme, de l'imagination puissante, du sentiment et de la générosité."

Mais on est à une époque où le piano devient suspect : il est l'instrument des bourgeois, il incarne toutes les perversités de l'Occident . Le Conservatoire de  musique de Pékin devient un conservatoire sans musique . Plus de partitions, des agressions physiques, des suicides. La jeune pianiste est alors envoyée comme de nombreux jeunes dans des camps de rééducation  dans le cadre du mouvement "Shangshan Xiaxang qui a pour but d'envoyer les jeunes instruits à la campagne pour changer en profondeur de mentalité." Elle ne touchera pas le piano jusqu'en 1971, année où à la suite d'un morceau de Chopin joué à l'accordéon, elle demande  à sa mère de lui expédier son instrument très encombrant, qui parviendra là où elle est recluse à la suite d'aventures rocambolesques .

Sous prétexte de musiques chinoises, elle obtient on ne sait par quel miracle des partitions qui ont échappé à la censure: celles du Clavier bien tempéré de Bach, les scherzos et les ballades de Chopin, les sonates pour piano et violoncelle de Beethoven.

Libérée en 1974, sa rencontre avec Isaac Stern  en 1979 la persuade qu'elle peut aller étudier à l'étranger. Elle part aux USA, prend des cours à Boston avec Gabriel Chodos: :"J'ai surtout retenu ceci : on approfondit tout aussi bien l'apprentissage du piano et de la musique en allant au fond d'une oeuvre qu'en multipliant l'étude d'oeuvres diverses...".

Cet approfondissement de la musique s'appuie sur les principes de la philosophie chinoise, qu'elle découvre dans ce pays où elle ne se sent pas à l'aise : "Mes journées sont désormais rythmées par deux grands moments de bonheur : Le premier est ma méditation quotidienne. Le second est ce qu'il faut bien convenir d'appeler ma méditation au piano. Le travail, et même le travail sans but, est une des grandes vertus de la philosophie chinoise."

Depuis 20 ans, elle vit à Paris. Elle est professeur de piano au Conservatoire de musique de Paris. Elle confiait il y a quelques mois dans une émission de radio, qu'elle commençait toutes ses journées avec Bach, qu'il était son équilibre, l'Insdispensable. Son enregistrement des Variations de Goldberg en 1990 fait date.

Ecoutez...

samedi 12 mars 2011

Enigme

Désolée de remettre à la suite le même type d'énigmes. Des soucis d'ordre technique ne me permettent  pas pour l'instant de mettre en ligne ce que j'avais prévu.

Voici (encore!) 6 vignettes de films adaptés d'oeuvres littéraires dont vous devez trouver le nom des personnages et le titre.Bonne chance à toutes et tous!

Vous voudrez bien envoyer vos réponses par mail à xtinemer@gmail.com avant dimanche soir 19 heures. Je publierai alors les gagnant(e)s et les solutions. Amusez-vous bien!

Réponse

Les Z'heureux gagnants sont Catherine et Flocon qui ont trouvé toutes les réponses. Félicitations à vous deux ! Calyste n'a pas démérité; la photo montrait Greta Garbo dans le rôle d'Anna Karénine et non dans La dame aux camélias. ZapPow , en aviez-vous trouvé deux, trois, quatre?

1.Camille Javal (Brigitte Bardot) et Paul Javal (Michel Piccoli)  dans Le Mépris de JL Godard d'après Alberto Moravia
2. Capitaine Achab ( le beau Gregory Peck) dans Moby Dick de John Huston d'après Herman Melville  
3. Anna Karénine (Greta Garbo) dans Anna Karénine de Clarence Brown d'après Tolstoï
4. Pomme (Isabelle Huppert) et François (Yves Beneyton) dans La Dentellière de Claude Goretta d'après Pascal Lainé
5.Ulysse (Kirk Douglas) et Nausicaa  (Rossana Podestà) dans Ulysse de Mario Camerini d'après L'Odyssée de Homère 
6 Julien Sorel (Gérard Philipe) dans Le Rouge et le noir de Claude Autant-Lara d'après Stendhal


Bravo aux participants et merci de votre participation.

mercredi 9 mars 2011

Zurbarán

A Apolline P. et à son dentiste préféré


Francisco de Zurbarán , Sainte Apolline, 1636,  
67x134, Musée du Louvre


Zurbarán est une peintre de l'âge d'or espagnol. Je l'ai découvert au Musée du Prado,  et je l'ai aimé.

Tout comme la petite Apolline à qui je dédie ce billet, je ne connais pas ce tableau! Elle m'emmènera avec elle (et sa soeur Louise)  pour le découvrir au Louvre. D'accord Apolline? Mais si Apolline brandit une dent dans une paire de tenailles, où se trouve donc la petite souris?

Voici donc pour le dentiste préféré d'Apolline, la fameuse nature morte( peinte par le fils ) qui lui inspira un commentaire ...appétissant et délicieux


Cette peinture n'est pas sans rappeler celle du père intitulée Plat avec citrons, Panier avec oranges et tasse avec rose



Impressionnant, n'est-ce pas?

lundi 7 mars 2011

Z'enfants de troupe

Tu arrives devant cette énorme bâtisse. Tu te demandes où elle vous emmène.  Elle, c'est ta belle-mère;  tu ne sais pas encore que tu ne la reverras plus jamais de ta vie. Elle te glace, toi et ton petit frère. C'est une inconnue pour vous: ton père l'a épousée à la Libération, quelques années après la mort de votre mère. Ta mère ? Tu ne te rappelles plus son visage.  Ce que tu te rappelles, c'est ton père, militaire  de métier, qui vous a pendant la guerre confiés à des tantes, à des oncles, ici ou là.

On est en octobre, et il fait beau. C'est tout ce que tu perçois. Elle vous remet à un  gradé. Vous a-t-elle embrassés ? Tu ne le sais plus.

Te voilà maintenant avec ta valise dans le dortoir. Ton frère est dans une autre aile du bâtiment. Tu t"installes, on te donne ton uniforme. On te dit que tu fais maintenant partie de l'école, que tu es un enfant de troupe. Tu ne sais pas trop ce que ça veut dire! Plus tard, tu apprendras qu'à la mort de ton père, huit mois avant, ta belle-mère a fait toutes les démarches nécessaires pour ne pas s'occuper de vous ! Elle n'a pas envie de s'occuper de ces trois mômes, qui ne sont pas les siens . Elle a pensé les placer à l'assistance publique. Un oncle après une simulacre de conseil de famille a pensé in extremis à l'école infantine militaire Hériot  à La Boissière école, tout près de Rambouillett, puisque cette école reçoit les orphelins de familles militaires. En plus c'est gratis: Ils seront "pupilles de la nation": la bonne conscience à bon prix.

L'officier te dit que tu vas devenir un petit militaire. Tu le regardes un peu bêtement et tu lui demandes: " Mon frère aussi ?". Il acquiesce. L'angoisse s'est envolée.

Le lendemain, tu commences l'école: tu rentres dans une classe préparatoire au concours d'entrée en sixième. Guy, lui, entrera en huitième.

Des  deux années que tu as passées là-bas, il reste des souvenirs plutôt heureux: les nouilles à la naphtaline parce que vous mangiez en 1947 les stocks alimentaires qui avaient été réservés dans les magasins de vêtements, la corvée de gamelles parce qu'elle te permettait de lécher la confiture qui y était restée collée.


Tu entends des copains pleurer le soir, quand le clairon sonne l'extinction des feux. Toi non. Il y a Guy et puis il y a les copains. Les officiers, les bonnes soeurs, les enseignants sont plutôt gentils.

Vous quitterez cette école deux ans plus tard. Ce sera ensuite  l'école militaire des Andelys. Là, ce sera une toute autre histoire.


Tu es revenu soixante-trois ans plus tard à La Boissière école. Ce n'est plus une école militaire, mais c'est encore une école, à la charge du Conseil régional des Yvelines. Tu as rencontré ce jour-là, un autre enfant de troupe, qui a intégré Hériot cinq années après toi.: lui, il venait de Gascogne, laissant sa famille derrière lui. Sa femme t'a raconté que la distribution des lettres était tellement pénible pour lui - il n'avait jamais de courrier- qu'il écrivait à toutes les offres publicitaires parues dans les journaux pour avoir enfin des lettres: un jour, un Monsieur Singer s'est présenté à l'école et a demandé Monsieur M. . Lui, il n'a pas eu ta chance: il était seul, avec seulement l'image de sa mère, si loin, trop loin. 

Vous vous êtes reconnus tout de suite... sans vous être jamais rencontrés.

Ta fille te parle de Charles Juliet. Tu ne le connais pas. Elle te prête deux de ses livres: L'année de l'éveil et puis Lambeaux.  Tu veux bien les lire. Elle t'explique que le parcours de Juliet a été différent: souffrances, souffrances, souffrances.  

Tu dis: oui ,  il y en a eu. Mais les pauvres gamins d'aujourd'hui laissés dans le désoeuvrement et sans repères sont-ils plus heureux?

samedi 5 mars 2011

Enigme


 

Voici 6 vignettes de films adaptés d'oeuvres littéraires françaises et étrangères. A vous de retrouver le nom des personnages et le titre de ces oeuvres. Bonne chance à toutes et tous!

Vous voudrez bien m'envoyer vos réponses par mail à xtinemer@gmail.com avant dimanche soir 19 heures. Je publierai alors le nom des gagnant(e)s et les solutions. Amusez-vous bien!

Le montage peut être vu en plus grand si vous cliquez dessus.


Réponse

Les heureuses gagnantes sont Catherine (5 réponses) et Marine (4 réponses). Bravo !
Anna F. et Flocon viennent ensuite. Bravo à eux deux aussi !

1. Jacques Lantier  La Bête humaine  (Jean Gabin/ Jean Renoir)
2. Atticus Finch    To Kill a monckingbird  Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur  livre de Harper Lee (Grégory Peck/ Robert Mulligan)
3. Hannah Schmitz et Michael Berg Le Liseur de Bernhard Schlink (Kate Winslet/ David Kross/ Stephen Daldry)
4.Constance Chatterley Lady Chatterley (Marina Hands/ Pascale Ferran)
5. Jean Valjean Les Misérables (Harry Baur/ Raymond Bernard)
6. Emma et Charles Bovary Madame Bovary (isabelle Huppert/ jean-François Balmer/ Claude Chabrol)

A toutes et tous, merci de votre participation !

mercredi 2 mars 2011

Zeffirelli

J'avais 25 ans et une méconnaissance totale de l'opéra. Voire une certaine distance avec l'art lyrique.  Il me semblait artificiel et désuet. Je n'avais pour tout bagage que quelques airs du Trouvère en tête et quelques images dans les yeux, ainsi que les derniers lieder de Strauss qu'un copain d'études passait en boucle lors de nos pauses de révision de concours. C'était peu ! La magie n'opérait pas vraiment.

Cette année-là, il y avait à l'affiche d'un cinéma caennais La Traviata,  film de Franco Zeffirelli: comment, pourquoi  me suis-je retrouvée assise ce soir-là dans cette salle, je ne saurais le dire . Peut-être mon esprit de contradiction ou cette volonté d'aller voir par moi-même un film dont on disait tant de mal dans les milieux "intellectuels"? Peut-être aussi ma connaissance de La Dame aux camélias de Dumas qui me rassurait ? Ce sont les seules explications que je trouve aujourd'hui.


Je suis sortie presque deux heures après complètement chamboulée, renversée et ... comment dire "atteinte"?  L'image m'avait en quelque sorte autorisée à entrer dans ce monde qui me semblait si hermétique, si réservé à des happy few

L'opéra raconte des histoires et comme toute lectrice, j'ai des représentations mentales des personnages, des situations, des lieux, de l'époque .  Les atouts  de ce film - sa mise en scène brillante, son rythme virevoltant, le souci du détail dans les costumes et le décor-  ont fait naître un réel plaisir à écouter des airs que je connaissais déjà ou que je découvrais.  Je ne sais si aujourd'hui ce film me séduirait autant mais peu  importe ! Ce film , je peux le défendre bec et ongles,  simplement parce qu'il m'a donné accès à l'opéra et me l'a fait aimer.

Deux ou trois ans plus tard, je suis allée voir Amadeus de Milos Forman, et j'ai été définitivement conquise ! Amadeus, au contraire de La Traviata, ne met pas en scène un opéra mais rend compte de la vie de Mozart : toutefois - et j'y ai été très attentive et sensible -, on y voit Mozart passionné par l'écriture et la mise en scène de ses opéras.  Mozart, un génie musical hors du commun, aimait aussi la traduction visuelle de sa musique ! Cela me semblait très important. Il n'y avait donc pas la musique d'un côté, suprême, première, à écouter pratiquement les yeux fermés et de l'autre un spectacle inutile, stérile ; il y avait à égalité une musique incarnée dans  une représentation visuelle, une interprétation donnée, choisie, réfléchie.

 Les critiques et le spécialistes mozartiens ont hurlé à l'époque, relevant les fantaisies avec la réalité, dégoisant le parti pris de Forman pour nous représenter "son" Mozart. Voilà de quoi souffre précisément l'opéra. 
On lui reproche des mises en scènes fantaisistes, des gesticulations qui éloigneraient de la "pureté" musicale. A quoi bon voir, puisqu'il suffit d'écouter -même les yeux fermés- et d'être touché !  Je trouve que ce sont précisément ces interprétations qui donnent aux oeuvres du répertoire lyrique leur pérennité:  chaque époque doit se réapproprier, en fonction de ses codes, de son Histoire, de ses courants esthétiques,  des oeuvres écrites il y a parfois bien longtemps. L'art lyrique, avec toutes ses ficelles, sa machinerie, ses décors, ses costumes et aussi ses chanteurs qui sont aussi aujourd'hui des acteurs, permettent à cette musique-là de vivre encore et de faire les délices non seulement de celles et ceux qui se laissent distraire par leurs yeux mais aussi de celles et ceux qui ne sont pas nécessairement sensibles à cet art, abusivement appelé complet,  et qu'ils peuvent écouter "sans" les images. 

Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse!