dimanche 13 mars 2011

Zhu Xiao-Mei

Elle est Chinoise. Elle est née en 1949. Elle est pianiste. Son premier professeur est sa mère qui lui apprend le piano  "mais pas comme tout le monde. Avec elle, les accords, les enchaînements, les déplacements s'éclairent comme par magie ! Chaque note représente un membre de notre famille : au lieu d'aller de do à sol je vais de Papa à Xioru, c'est tellement plus amusant ! Puis nous passons aux exercices les plus simples de Czerny, aux gammes, aux arpèges."

Elle entre au Conservatoire de Pékin en 1960. Elle déchante, le travail est éreintant . S'y ajoutent des séances de dénonciation, d'autocritique surréalistes. Sa chance ? Un professeur de piano, Pan Yiming qui se rattache à l'école russe qui n'aura de cesse pendant deux ans de l'encourager et dont elle écrit dans son autobiograhie La rivière et son secret, Robert Laffont, paru en  2007 : " Merveilleux professeur au confluent de deux écoles du piano. L'école chinoise d'un côté, qui privilégie la souplesse, la légèreté, la fluidité, un sens calligraphique de la ligne mélodique, mais aussi la distance aux émotions , et leur contrôle. L'école russe , de l'autre, celle du geste large, du romantisme, de l'imagination puissante, du sentiment et de la générosité."

Mais on est à une époque où le piano devient suspect : il est l'instrument des bourgeois, il incarne toutes les perversités de l'Occident . Le Conservatoire de  musique de Pékin devient un conservatoire sans musique . Plus de partitions, des agressions physiques, des suicides. La jeune pianiste est alors envoyée comme de nombreux jeunes dans des camps de rééducation  dans le cadre du mouvement "Shangshan Xiaxang qui a pour but d'envoyer les jeunes instruits à la campagne pour changer en profondeur de mentalité." Elle ne touchera pas le piano jusqu'en 1971, année où à la suite d'un morceau de Chopin joué à l'accordéon, elle demande  à sa mère de lui expédier son instrument très encombrant, qui parviendra là où elle est recluse à la suite d'aventures rocambolesques .

Sous prétexte de musiques chinoises, elle obtient on ne sait par quel miracle des partitions qui ont échappé à la censure: celles du Clavier bien tempéré de Bach, les scherzos et les ballades de Chopin, les sonates pour piano et violoncelle de Beethoven.

Libérée en 1974, sa rencontre avec Isaac Stern  en 1979 la persuade qu'elle peut aller étudier à l'étranger. Elle part aux USA, prend des cours à Boston avec Gabriel Chodos: :"J'ai surtout retenu ceci : on approfondit tout aussi bien l'apprentissage du piano et de la musique en allant au fond d'une oeuvre qu'en multipliant l'étude d'oeuvres diverses...".

Cet approfondissement de la musique s'appuie sur les principes de la philosophie chinoise, qu'elle découvre dans ce pays où elle ne se sent pas à l'aise : "Mes journées sont désormais rythmées par deux grands moments de bonheur : Le premier est ma méditation quotidienne. Le second est ce qu'il faut bien convenir d'appeler ma méditation au piano. Le travail, et même le travail sans but, est une des grandes vertus de la philosophie chinoise."

Depuis 20 ans, elle vit à Paris. Elle est professeur de piano au Conservatoire de musique de Paris. Elle confiait il y a quelques mois dans une émission de radio, qu'elle commençait toutes ses journées avec Bach, qu'il était son équilibre, l'Insdispensable. Son enregistrement des Variations de Goldberg en 1990 fait date.

Ecoutez...

8 commentaires:

chri a dit…

Merci, Christine de cette merveille...

Pierre a dit…

Cette note me renvoie vingt ans en arrière. Lorsque, invité à un dîner dans un petit appartement Villa Poirier, à Paris, en compagnie de gens que je ne connaissais qu’à peine, quelqu’un, sachant que j’étais mélomane et pratiquais la musique, sans me dire quoi que ce soit me plaça les écouteurs d’un lecteur de cd sur les oreilles, en me demandant ce que j’en pensais. Dès les premières secondes je reconnu le morceau. Entre-temps on avait fait plus où moins cercle autour de nous. Alerté sans doute par ma concentration, ma persistance à vouloir continuer d’écouter, et le léger sourire de contentement qui devait poindre. Je fit signe que, oui, c’était très bon et que ça me plaisait bien. C’était la même musique que ce que vous voyez sur la vidéo, mais à partir de ce fameux disque de 90. On m’expliqua l’histoire de cet enregistrement, et, en deux ou trois phrases tout le destin de l’interprête.
Xiao-MeÏ vint au dîner suivant, et joua.
Quelques temps après je l’ai conduite à un concert qu’elle devait donner un samedi soir dans un coin un peu paumé, toujours pour les Goldberg, et avec une chanson chinoise en bis; dans une église. Au retour, dans la nuit, tout en conduisant, je lui ai fait boire de la tisane de thym avec un tout petit peu de miel, directement sortie du thermos.
Ensuite je suis allé seul sur ses traces, dans le Vermont, dire bonjour de sa part à ses amis laissés là-bas et découvrir la belle salle en bois de Marlboro, toute empreinte encore de l’impulsion donnée par A. Busch et les dernières volontés et notes de Rudolf Serkin, en écho fraternel à l’esprit de Saint Michel de Cuxa, à Prades, que j’avais fréquenté, et avant moi, parents et grands-parents, qui faisaient le voyage depuis l’Ariège.
Mais c’est une autre histoire…
Xiao-Meï jouera Mozart et Schubert le mercredi 18 janvier 2012 au théâtre des Champs-Elysées.
Programme sur simple demande.

Flocon a dit…

Vous aimez les Variations Goldberg Christine?

1

2

3

4

Et le Clavier bien tempéré?

1

2

Je ne suis pas dans la note?

Bon je sors...

Christine a dit…

Pierre,

Je connais Zhu Xiao Mei grâce à vous, mais pas autant que vous ni de la même manière: j'ai entendu d'abord ses sonates de Scarlatti et puis j'ai lu son autobiographie au moment même où j'avais mesuré, d'une façon plus tangible et palapble peut-être avec Dai Sijie et son livre Balzac ou la petite tailleuse chinoise la dévastation intellectuelle, psychique et physique de la fameuse Révolution culturelle qui restait pour moi un sujet bien nébuleux. Je ne suis pas tout à fait de la génération du Petit livre rouge!

Vous avez bien de la chance de connaître cette artiste...En tout cas, merci de ce long témoignage qui en dit long sur la simplicité des grands artistes.

Christine a dit…

Flocon,
Vous êtes complètement dans la note et je trouve toutes ces tranpositions vraiment intelligentes et comme de délicieuses "sucreries" qui décoincent un peu le côté parfois empesé et amidonné de la musqiue classique... J'adore la tête d'Adam Fulara dans le dernier morceau: il grimace et ahane autant qu'un rocker ! Ouah! Ça décoiffe !

Christine a dit…

Chri,
C'est l'artiste qu'il faut saluer... J'espère vus en faire découvrir d'autres!

Catherine L a dit…

Merci pour cette note Christine.
Merci pour ce généreux partage Pierre !

Christine a dit…

Voilà tout l'intérêt d'un blog pour les créateurs et les commentateurs: partager !
Merci Catherine et contents tous deux que tu aies apprécié.