Ce livre de Georges Perec, publié en 1975, est un Objet Littéraire Non Identifié. Certes, c'est une autobiographie, à laquelle Perec a donné une nouvelle forme mais c'est aussi un roman. Deux récits se croisent et le lecteur est désarçonné: embarqué aux côtés de Gaspard Winckler pour mener une enquête- il faut retrouver un enfant sourd muet naufragé-, il est vite floué: l'enquête est abandonnée et se développent alors deux récits, sans rapport l'un avec l'autre, apparemment. Navigation à vue vers l'île de W, en Terre de feu, et vers Villars-de- Lans!
Peu à peu, pourtant, nous découvrons les liens qui éclairent mutuellement ces "textes" apparemment sans rapport mais pourtant alternés: celui d'un narrateur qui tente de "reconstituer dans la trame de l'écriture les fils brisés qui le rattachent à son enfance" -mais comment faire quand ses parents ont été "engloutis" par la guerre et l'extermination, que la mémoire est inefficace et que les paroles des autres témoignent à votre place?-, et un deuxième imaginé pendant l'enfance -retravaillé bien plus tard à l'âge adulte- qui présente une île utopique où les insulaires ne vivent que par et pour le sport...
Ces deux textes de par leur forme et leur intention s'opposent violemment: l'un, celui de l'enfance, est lacunaire, ""pauvre d'exploit et de souvenirs, fait de bribes éparses, de blancs, d'oublis, de doutes, d'hypothèses, de maigres anecdotes", l'autre au contraire déborde de descriptions généreuses, précises, mathématiques même. A nous en donner le tournis! A en devenir obsédantes puis kafkaiënnes pour devenir clairement-par l'allusion faite au livre de Rousset L'univers concentrationnaire par Perec lui-même, une allégorie du nazisme et de leurs usines à tuer...
C'est un livre que l'on porte en soi, quand on l'a lu. On y songe souvent: pourquoi écrire sur soi? Est-il possible d'écrire son enfance, cet univers vécu dans la totale inconscience? En quoi l'écriture répare-t-elle?
" Je n'écris pas pour dire que je ne dirai rien, je n'écris pas pour dire que je n'ai rien à dire. J'écris : j'écris parce que nous avons vécu ensemble, parce que j'ai été un parmi eux, ombre au milieu de leurs ombres, corps près de leurs corps ; j'écris parce qu'ils ont laissé en moi leur marque indélébile et que la trace en est l'écriture : leur souvenir est mort à l'écriture ; l'écriture est le souvenir de leur mort et l'affirmation de ma vie."
Georges Perec, W ou le souvenir d'enfance, L'imaginaire, Gallimard, chapitre VIII, pages 63-64)
Peu à peu, pourtant, nous découvrons les liens qui éclairent mutuellement ces "textes" apparemment sans rapport mais pourtant alternés: celui d'un narrateur qui tente de "reconstituer dans la trame de l'écriture les fils brisés qui le rattachent à son enfance" -mais comment faire quand ses parents ont été "engloutis" par la guerre et l'extermination, que la mémoire est inefficace et que les paroles des autres témoignent à votre place?-, et un deuxième imaginé pendant l'enfance -retravaillé bien plus tard à l'âge adulte- qui présente une île utopique où les insulaires ne vivent que par et pour le sport...
Ces deux textes de par leur forme et leur intention s'opposent violemment: l'un, celui de l'enfance, est lacunaire, ""pauvre d'exploit et de souvenirs, fait de bribes éparses, de blancs, d'oublis, de doutes, d'hypothèses, de maigres anecdotes", l'autre au contraire déborde de descriptions généreuses, précises, mathématiques même. A nous en donner le tournis! A en devenir obsédantes puis kafkaiënnes pour devenir clairement-par l'allusion faite au livre de Rousset L'univers concentrationnaire par Perec lui-même, une allégorie du nazisme et de leurs usines à tuer...
C'est un livre que l'on porte en soi, quand on l'a lu. On y songe souvent: pourquoi écrire sur soi? Est-il possible d'écrire son enfance, cet univers vécu dans la totale inconscience? En quoi l'écriture répare-t-elle?
" Je n'écris pas pour dire que je ne dirai rien, je n'écris pas pour dire que je n'ai rien à dire. J'écris : j'écris parce que nous avons vécu ensemble, parce que j'ai été un parmi eux, ombre au milieu de leurs ombres, corps près de leurs corps ; j'écris parce qu'ils ont laissé en moi leur marque indélébile et que la trace en est l'écriture : leur souvenir est mort à l'écriture ; l'écriture est le souvenir de leur mort et l'affirmation de ma vie."
Georges Perec, W ou le souvenir d'enfance, L'imaginaire, Gallimard, chapitre VIII, pages 63-64)
3 commentaires:
Le copier/coller Word --> Blogger a encore frappé!
Cela semble correct sur la fenêtre avant l'envoi et puis à l'arrivée... Horreur!
Il n'y a plus qu'une chose à faire (après s'être calmé) : tout effacer et écrire en direct là où Monsieur (ou Madame) Blogger a dit qu'il fallait écrire. Ou reprendre entièrement le texte sur une nouvelle page Word.
Mais c'est gonflant.
Mais ce billet n'a pas été écrit pour s'attirer ce genre de commentaires...
De Pérec j'avais beaucoup, beaucoup aimé La Vie mode d'emploi dont l'ordonnancement général et l'imbrication des histoires les unes dans les autres m'avaient scotché.
Quel petit vélo etc., un homme qui dort et quelques autres titres mais je n'ai lu ni la Disparition ni les Revenentes qui avaient salué votre réapparition sur Shall We Talk en juin 2010.
Mais de la Vie mode d'emploi j'ai conservé un très fort souvenir. A ma connaissance le livrei ne comporte pas d'éléments particulièrement autobiographiques mais au fond, qu'en sais-je?.
Mais je suis passé à côté de W ou le souvenir enfance.
J'avais aussi entendu Pérec décrivant le quartier de la place St Sulpice à la façon de sa Tentative d'épuisement d'un lieu parisien
« pourquoi écrire sur soi? Est-il possible d'écrire son enfance, cet univers vécu dans la totale inconscience? En quoi l'écriture répare-t-elle? »
Et autant de sujets pour le Bac littéraire...
"cet univers vécu dans la totale inconscience" me fait penser au stade spéculaire de Lacan et à la conscience réfléchissante qui nous distingue des animaux qui ne disposent - si l'on peut dire - que d'une conscience non-réfléchissante : Bien que conscients, ils ne savent pas qui ils sont. Quand le petit de l'homme passe-t-il de la conscience animale à la conscience réfléchissante? Mystérieux processus que ce passage de l'une à l'autre...
Des soucis semble-t-il mais que je ne peux voir ni corriger de l'iPhone sur lequel je vous réponds Flocon. En tout cas, ravie que W vous ait inspiré ce long com. Quand on aime, on ne compte pas! J'ai découvert Perec avec La Vie mode d' emploi et tout comme vous, j'avais été très impressionnée par la structure de ce livre qui pourtant n'était pas seulement une belle construction intellectuelle. Je ne sais s'il y a un investissement autobiographique dans ce livre unique mais il y a en tout cas la trace de ce qu'il aimait: les mathématiques puisque La Vie, avec ses cent chapitres est une oeuvre construite sur le modèle du carré latin (je compte sur la patience de mes lecteurs pour trouver le lien sur Wikipédia ,car moi,avec cet engin diabolique -l'iPHone- je perds patience!
Merci Flocon pour votre commentaire si nourri et si intéressant. Désolée pour les caprices de la taille des lettres.
J'ai copié la mauvaise version sur une nouvelle page Word puis ai tout remis en arial 11;puis j'ai copié le tout sur Bloc notes et ensuite j'ai copié le texte bloc-notes (au kilomètre) sur le message Blogger. Le recours à Bloc notes évite bien des soucis et du travail...inutile.
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