mercredi 19 octobre 2011

Winding Refn

C'est le nom du réalisateur qui a reçu le Prix de la mise en scène à Cannes, en mai dernier, pour son film Drive, sorti la semaine dernière sur les écrans. Ce n'est ni un road-movie, ni un film policier de poursuite,  ni un film de cascades, ni un polar. Mais pourtant c'est un peu tout à la fois, et ce tout fait l'originalité de ce film que je trouve particulièrement réussi.

Si Drive nous parle effectivement d'un conducteur et de sa parfaite maîtrise des voitures, ce film raconte plutôt la "conduite" d'un jeune conducteur, solitaire et peu disert. Driver, tel est son nom, travaille dans un garage, dont le patron , un ancien cascadeur, lui décroche parfois, le jour, des contrats de cascade, parfois, la nuit,  des contrats de "braquage" beaucoup plus louches. Driver ne braque pas mais conduit et récupère les malfrats sur le lieu de leurs méfaits. Il les attend cinq minutes montre en main: s'ils sont à l'heure, il leur permet grâce à son excellente conduite et à sa parfaite connaissance de la ville tentaculaire qu'est Los Angeles d'échapper à la police, mais s'ils dépassent le temps imparti, il décampe... laissant les voleurs en plan. Le film s'ouvre sur une démonstration des talents de Driver, qui garde son sang-froid  et démontre son efficacité.

Mais ce (beau) jeune solitaire sans histoires, qui vit d'une façon assez spartiate dans un appartement dépouillé, tombe amoureux de sa voisine, une femme mariée à un type qui purge sa peine pour vol et qui élève donc seule leur petit garçon. Driver tombe amoureux et la voiture devient un lieu magique pour promener la belle et le petit: beaux plans cadrés sur le pilote et sa passagère, dans la voiture, avec le jeu du rétroviseur, bande-son épatante, subtile. On roulerait bien des heures nous aussi, sur cette route désaffectée, plein soleil...

Mais le mari sort de prison:  il n'est pas quitte cependant avec ceux qui l'ont protégé. Driver accepte de l'aider pour que sa femme et son fils vivent en paix... Mais l'affaire tourne mal. Notre héros change de conduite: cette fois-ci, il est hors de lui, il passe la cinquième vitesse. La violence l'envahit; c'est le prix à payer pour garantir la sécurité des êtres qui lui sont chers.

C'est un film structuré, construit même si Winding Nerf le nie dans les entretiens qu'il a pu donner depuis. Sa façon de filmer est remarquable: les plans sont souvent très serrés sur les visages et les plongées et contreplongées suffiraient presque à donner le style de ce film: un film rapide mais qui prend le temps d'installer une histoire et de camper les personnages; un film furieux mais qui sait décrire les sentiments naissants, ceux qui, malgré toute la bonne volonté du monde, n'ont jamais le dessus.


19 commentaires:

elsarave a dit…

Totallement d'accord avec toi Xtine:le parfait accord entre la musique et l'image, des prise des vus immersives à un point... un rôle qui convient à merveille pour (le beau) Ryan Gosling, une lenteur du scénario qui crée un contraste avec la vitesse des voitures: tout cela ne pouvait donner qu'un très bon film...

Christine a dit…

Alors toi aussi tu as aimé? Tu as raison! Lenteur et vitesse, c'est un contraste qui fonctionne très bien. Bien vu!
Et puis Ryan Gosling! Quel formidable acteur!
Tu aurais dû faire la note à ma place! :-)

elsarave a dit…

ha ça oui j'ai aimé ce film... et je suis flatté mais nan j'aime certe beaucoup le cinéma mais je ne saurais pas faire de note tel que tu les fais...donc je vais resté sur les commentaires :)

ZapPow a dit…

Petite anecdote : Winding Refn s'est présenté huit fois au permis de conduire, et a échoué… huit fois. Il n'est pas intéressé par les voitures, et son film parle d'un homme qui conduit, ou, comme il l'a dit lui-même (ce qui a décidé Ryan Gosling à le prendre comme réalisateur), d'un homme qui écoute de la musique dans sa voiture pour se libérer de ses émotions.

Anna F. a dit…

Je résiste un peu à ce film ... mais cette critique et ses commentaires m'attirent. J'irai donc le voir, dans mon petit cinéma, presque à côté de chez moi.

Christine a dit…

Oui ZapPow, c'est un comble! On pourrait citer le poème, en le renversant: Qui châtie bien aime bien!!!

Anna,
Il y a des films qui semblent à des années lumière de nos goûts, de nos préoccupations, et pourtant ils méritent notre attention...

chri a dit…

Ca n'a absolument aucun intérêt pour personne au monde mais il est sur ma liste!

Flocon a dit…

Comme Chri : "Ca n'a absolument aucun intérêt pour personne au monde" mais je suis allé voir The Artist.

Voilà, voilà...

Christine a dit…

Mais si mais si, cela m'intéresse Chri et Flocon! Et quid de The Artist, Flocon?

Flocon a dit…

En ce qui concerne The Artist, le fond c'est la forme...

Pas besoin de rappeler l'« intrigue », tout le monde la connaît et d'ailleurs il n'y en a pas.

Comme chacun sait, il s'agit d'un exercice de style consistant à faire un pastiche des films des années 30.

C'est techniquement impeccable, avec de nombreux clins d’œil à tel ou tel film des années de l'époque ou d'un peu plus tard (tout le monde reconnaîtra la scène la plus marquante du Portrait de Dorian Gray (1945).

J'ai trouvé quelques passages un peu longuets tout de même mais c'est perso.

L'actrice (Bérénice Bejo) est parfaite et Jean Dujardin aussi sans doute mais il est pour moi trop marqué "Un gars une fille" pour que je l'accepte facilement dans des rôles trop différents comme celui-ci précisément. Mais là aussi c'est perso.

Enfin, je crois qu'on peut y aller sans être déçu.

Voilà, voilà...

Christine a dit…

Ben voilà voilà... Flocon fait une chronique ciné. Youpi!

Catherine a dit…

Merci Christine, voilà qui me donne envie d'aller le voir !

chri a dit…

J'en sors et... comment dire... Un film virtuose et magnifique dans sa forme, son rythme, dans sa mise en scène mais qui m'a laissé à de rares plans près l'émotion intacte... Ce type qui n'arrête pas de se maitriser mais pardon quand il se déchaîne ça fait mal... Il a vite fait d'écraser la figure d'un méchant comme on écrase la pédale d'accélérateur du reste...
Une brillante démonstration de mise en scène qui ne m'a pas touché, enfin pas beaucoup...

chri a dit…

En revanche je trouve que L'exercice de l'état est un film d'une puissance formidable!
Et c'est français, Madame!

Christine a dit…

C'est sympa Chri d'avoir un "retour" et que tu prennes le temps de me dire tes impressions! Oui film brillamment mis en scène (il a bien mérité son prix). Je ne suis pas cependant restée comme toi sans émotion: j'ai "marché"!Certes, le personnage, très introverti, pas bien causant, pas très attachant non plus apparaît très glacial, un peu "mécanique" mais le contraste avec ce qu'il est capable de faire ensuite montre bien la part d'ombre de l'Homme, et en particulier de ce type si "maîtrisé" comme tu le dis. De la même façon le sentiment amoureux à l'égard de sa voisine n'apparaissait pas non plus aussi lisible et marqué...pour justifier ensuite sa brutalité. Les archétypes habituels, attachés à ce genre de film sont un peu mis à mal et c'est plutôt tant mieux!

C'est toujours bien d'échanger, Chri. Cela ouvre toujours des perspectives et ... donne envie de voir le film dont tu me parles et qui est français, lui! (j'ai bien compris?)

Un grand merci Chri!

chri a dit…

Il n'y a évidemment pas de chauvinisme dans mes propos juste du plaisir de constater qu'il n'y a pas d'impérialisme du "bon" cinéma... Je regrette du reste qu'on ne voit pas plus "chez nous" d'autres cinémas comme l'indien, le roumain etc etc...
L'exercice de l'état est une réflexion en profondeur sur le pouvoir, ses limites, ses névroses, ses ravages, ses impuissances, aussi...

Marine a dit…

Quel film! Décrire Drive, je n'y arrive toujours pas. Décrire toutes les raisons qui m'ont fait tant l'aimer, y penser encore, non plus. Mais tu trouves les mots, Moune, comme toujours.
J'ai cependant remarqué que les personnes auxquelles je lai conseillé l'ont soit adoré, soit détesté. Je pense qu'avec ce film, il n'y a pas de juste milieu...
Pour continuer la chronique ciné, j'ai vu, dans le même style et sur le même thème (le pouvoir et la politique), Chri, les bien plus américaines Marches du pouvoir de Clooney. Décevant... Sujet vu et revu. Mais votre com me donne envie de voir ce qu'a bien pu faire Pierre Schöller! Merci!

Christine a dit…

Effectivement, certains films peuvent déclencher des réactions totalement contradictoires... C'est signe probablement qu'ils sont dérangeants.
Je parie que tu es allée voir Les marches du pouvoir pour le beau Ryan Gosling! :-))
Oui , les chroniques ciné sont intéressantes quand elles débouchent sur d'autres films à voir. Il y en a quelques-uns qui sortent en ce moment ou vont sortir qui méritent le détour; mais hélas, bien souvent, nos petites villes de province ne sont pas toujours dotées de cinémas qui ouvrent leurs écrans à des films plus discrets ou franchement moins commerciaux...

chri a dit…

Et oui, Christine tout le monde n'a pas un Utopia à ses pieds...