Helmer a un vie XS. Extra Small. Paysan malgré lui dans le Waterland, région de la Hollande septentrionale, seul dans la ferme de son père , Helmer a vécu depuis ce jour d'avril 1967 - date de la mort accidentelle de son frère jumeau- "la tête sous les vaches" et ne l'a "plus jamais sortie de là". Sa vie monotone, toute petite se résume à la traite des vaches, regarder par la fenêtre les saisons qui passent et les watringues changer d'aspect, vivre dans la même chambre étroite, humide...seul. N'être plus qu'une moitié. Les années passées à la ferme, sous la férule d'un père autoritaire et d'une mère soumise à la volonté d'un mari qui ne se remet pas de la mort de son fils chéri, sont les années du rien pour Helmer. Il n'a été personne, et le jeune homme parti à Amsterdam étudier la littérature 35 ans auparavant est enfermé à jamais dans des cartons: à la mort du frère, il s'est cru obligé de reprendre sa place, à la ferme.Il n'en est plus jamais ressorti.
Pourtant, ce jour-là, celui qui correspond au tout début de l'histoire, Helmer décide de tout changer: oh! ce n'est pas grand-chose mais c'est symbolique. Il monte son père désormais grabataire, là-haut, dans la chambre qu'il a occupée pendant des années. Lui, il s'installe en bas, change tout : les meubles, la moquette, la peinture. Toutes les vieilleries sont reléguées dans la chambre du fils disparu, ou jetées. Helmer vit dans du neuf. C'est vide, certes, mais Ada, une voisine, trouve cela formidable: "elle a surtout été impressionnée par la sensation d'espace". Et bon dieu, comme Helmer en a besoin d'espace! Il a tant vécu au plus petit de lui-même.
L'hiver arrive: il va de nouveau patiner sur le Grand Lac. Les souvenirs de l'Ijsselmeer gelé lui reviennent: leur père un peu casse-cou avait décidé de tester le poids de la voiture sur la glace. C'est quand il a vu dans le rétroviseur la détermination de ses deux fils -prêts à narguer la mort avec lui- "soudés comme des siamois", qu'il n'a pas osé s'aventurer parce que "vous ne faisiez plus qu'un au milieu de la banquette arrière."
En même temps qu'Helmer s'approprie les lieux- rien ne lui appartient dans cette ferme à part des ânes qu'il a achetés et qui font la joie des gosses d'Ada- le passé resurgit. La "presque épouse" de Henk, le jumeau disparu, donne de nouveau de ses nouvelles: elle veut revoir les lieux et demander un service à Hemler. Il hésite et finit par la recevoir...
La vie d'Helmer va tout à coup s'agrandir: parce qu'il peut enfin parler, dire son chagrin qu'on n'a jamais entendu, sentir son corps et sa tête fonctionner, se regarder dans une glace, exhumer des livres enterrés dans des cartons poussiéreux, tenter de comprendre un père qui ne l'a jamais aimé, résoudre des questions restées jusqu'à cet hiver-là sans réponse, se confronter à un Henk qui n'est pas son frère mais qui est son double à lui, et retrouver enfin celui qui l'a apaisé autrefois et qui l'a reconnu comme un individu à part entière. Celui qui ne le nommera jamais plus Helmer, mais l'Homme aux ânes.
Ce beau roman sobre et poétique , s'ouvre en novembre et s'achève en été, il débute en Hollande avec les watergang, les corneilles mantelées, les foulques macroules et se termine au Danemark sur une falaise d'où Helmer, cet homme simple et profond admire le soleil se coucher. Là -haut. Seul. Une vie de rien, mais pas pour rien dès lors qu'Helmer lui trouve un début de sens et retrouve le désir. Dans un calme où la solitude ne pèse plus. Un calme que le père transporté là-haut, dans la chambre du premier étage a pu apporter aussi à son fils , avant de mourir. Maintenant Helmer vit en XL.
Là-haut, tout est calme, Gerbrand Bakker, traduction du néerlandais par Bertrand Abraham, Folio, 2006 , 2009 pour la traduction française
L'hiver arrive: il va de nouveau patiner sur le Grand Lac. Les souvenirs de l'Ijsselmeer gelé lui reviennent: leur père un peu casse-cou avait décidé de tester le poids de la voiture sur la glace. C'est quand il a vu dans le rétroviseur la détermination de ses deux fils -prêts à narguer la mort avec lui- "soudés comme des siamois", qu'il n'a pas osé s'aventurer parce que "vous ne faisiez plus qu'un au milieu de la banquette arrière."
En même temps qu'Helmer s'approprie les lieux- rien ne lui appartient dans cette ferme à part des ânes qu'il a achetés et qui font la joie des gosses d'Ada- le passé resurgit. La "presque épouse" de Henk, le jumeau disparu, donne de nouveau de ses nouvelles: elle veut revoir les lieux et demander un service à Hemler. Il hésite et finit par la recevoir...
La vie d'Helmer va tout à coup s'agrandir: parce qu'il peut enfin parler, dire son chagrin qu'on n'a jamais entendu, sentir son corps et sa tête fonctionner, se regarder dans une glace, exhumer des livres enterrés dans des cartons poussiéreux, tenter de comprendre un père qui ne l'a jamais aimé, résoudre des questions restées jusqu'à cet hiver-là sans réponse, se confronter à un Henk qui n'est pas son frère mais qui est son double à lui, et retrouver enfin celui qui l'a apaisé autrefois et qui l'a reconnu comme un individu à part entière. Celui qui ne le nommera jamais plus Helmer, mais l'Homme aux ânes.
Ce beau roman sobre et poétique , s'ouvre en novembre et s'achève en été, il débute en Hollande avec les watergang, les corneilles mantelées, les foulques macroules et se termine au Danemark sur une falaise d'où Helmer, cet homme simple et profond admire le soleil se coucher. Là -haut. Seul. Une vie de rien, mais pas pour rien dès lors qu'Helmer lui trouve un début de sens et retrouve le désir. Dans un calme où la solitude ne pèse plus. Un calme que le père transporté là-haut, dans la chambre du premier étage a pu apporter aussi à son fils , avant de mourir. Maintenant Helmer vit en XL.
Là-haut, tout est calme, Gerbrand Bakker, traduction du néerlandais par Bertrand Abraham, Folio, 2006 , 2009 pour la traduction française
5 commentaires:
Un roman parfait avec le ciel actuel! Espérons que nous aussi nous verrons bientôt le soleil se coucher!
Sans doute ai-je "bu" ce livre comme antidote à cette morosité ambiante. C'est difficile de rédiger une critique de bouquin - et puis ce livre-là a été tellement commenté, expliqué, analysé, décortiqué! Et je m'aperçois aussi que c'est très difficile de laisser un commentaire sur un livre qu'on n'a pas lu...
J'ai relu aussi Tous les matins du monde, hier, de Quignard. C'est un beau livre. Précieux.
Vous donnez envie de passer un moment avec Helmer!
Votre billet donne envie de le lire... le principal est là
L'exercice de présentation approfondie d'un roman n'est pas facile.
Où s'arrêter dans le déroulement de l'histoire?
Que révéler de ses propres réactions?
Cette note est réussie, comme celle d' "Incendies" d'ailleurs. Je retrouve bien le livre et le film.
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