C'était en 1983. L'été.
M., mon meilleur copain, celui avec qui j'avais préparé et réussi le Capes, me proposa de partir en Pologne, un pays qu'il connaissait bien. Sa mère, Polonaise, et responsable de l'association France-Pologne, l'avait emmené dans ses nombreux voyages et lui avait appris sa langue. Il avait envie de me faire découvrir ce pays dont nous parlions tant - on aimait tous les deux Gombrovicz , Kantor et Topor aussi!- et qu'il chérissait tout particulièrement...
Curieuse de ces pays dits à l'époque "de l'Est", j'acceptai. Nous partirions avec ma voiture, pour un séjour de trois semaines, en passant par la Tchéco, pays que nous pourrions seulement traverser puisque nous n'avions obtenu qu'un visa de 48 heures ...
Fin juillet, nous partîmes donc, la voiture bourrée de denrées toutes aussi improbables les unes que les autres pour l'Occidentale favorisée que j'étais: kilos de café, dont j'appris très peu de temps après que c'était "l'or noir" du pays pour négocier médicaments, essence et nourriture: il y avait aussi pêle-mêle (c'est peu de l'écrire), savon, laine, papier alu - des rouleaux par dizaines!-, épicerie sèche, antibiotiques, crèmes diverses et variées, coton, vêtements, conserves, ballons en plastique pas bien costauds, poupées bon marché, tennis, etc. Je ne sais plus exactement mais la 104 que j'avais à l'époque était pleine à ras bord. Sans oublier des dollars aussi, planqués dans nos sous-vêtements.
Fin juillet, nous partîmes donc, la voiture bourrée de denrées toutes aussi improbables les unes que les autres pour l'Occidentale favorisée que j'étais: kilos de café, dont j'appris très peu de temps après que c'était "l'or noir" du pays pour négocier médicaments, essence et nourriture: il y avait aussi pêle-mêle (c'est peu de l'écrire), savon, laine, papier alu - des rouleaux par dizaines!-, épicerie sèche, antibiotiques, crèmes diverses et variées, coton, vêtements, conserves, ballons en plastique pas bien costauds, poupées bon marché, tennis, etc. Je ne sais plus exactement mais la 104 que j'avais à l'époque était pleine à ras bord. Sans oublier des dollars aussi, planqués dans nos sous-vêtements.
La première étape était, après Prague, Wrocław, la ville où nous devions retrouver Margolzata, une jeune femme, amie de la famille de mon compagnon de voyage et qui réussissait à venir en France et à "l'Ouest", grâce à la troupe folklorique qu'elle dirigeait, même si, en y regardant de plus près, elle ne dirigeait pas grand-chose, puisque sans cesse sous la surveillance de toute une police secrète qui à l'époque voyageait avec les artistes...
La première épreuve fut la frontière: les voitures occidentales étaient systématiquement fouillées. Nous eûmes "la chance" de ne pas être dépouillés de nos douze kilos de café. Nous dûmes payer l'équivalent de mille francs à l'époque- M. s'y était préparé, connaissant le tarif!- mais ma foi, ce n'était pas cher payé, d'après lui! Nous jouâmes la comédie des touristes à la fois ulcérés d'être délestés d'une telle somme et en même temps ... dociles. Non seulement on nous avait complètement "désossé" la voiture - les garnitures de portes gisaient au sol- mais en plus on nous faisait payer le prix fort! En réalité, nous nous réjouissions d'avoir toujours les dollars au chaud! J'avais heureusement échappé à la fouille au corps, la seule femme du poste frontière venait de quitter son service; les dollars destinés à la famille et aux amis étaient sauvés! Belle époque qui doit évoquer bien des souvenirs à celles et ceux d'entre vous qui se "risquaient" à franchir les frontières de ces pays camarades...
On s'en foutait! Nous étions passés avec tout notre fourniment! C'était l'essentiel...
Nous arrivâmes tard à Wrocław; Margolzata, son frère, ses parents nous attendaient. Au menu, du thé brûlant, quelques harengs en conserve, et de délicieux pounchkis!
C'était l'époque des vaches maigres: des queues à n'en plus finir pour n'avoir rien dans son cabas ou presque! Ce fut un dîner léger mais un de ceux que je n'ai jamais oubliés! Je n'avais jamais connu une telle chaleur, une telle hospitalité. J'avais l'impression de comprendre la joie et le chagrin de mes hôtes alors que je ne parlais ni ne comprenais aucun mot de polonais...
Cet état de grâce ne faisait que commencer.
C'était l'époque des vaches maigres: des queues à n'en plus finir pour n'avoir rien dans son cabas ou presque! Ce fut un dîner léger mais un de ceux que je n'ai jamais oubliés! Je n'avais jamais connu une telle chaleur, une telle hospitalité. J'avais l'impression de comprendre la joie et le chagrin de mes hôtes alors que je ne parlais ni ne comprenais aucun mot de polonais...
Cet état de grâce ne faisait que commencer.
6 commentaires:
Ca laisse réveur tout ca... partir à l'aventure avec son meilleur ami... se prendre pour des mafieux dilant des dollars à la frontière...vivement Wroclaw (2)"
Les repas "légers", ça me rappelle la Tchécoslovaquie juste après la chute du mur.
Elsarave,
Il n'y avait aucun deal; plutôt la corruption des fonctionnaires polonais. Ces dollars étaient destinés aux amis et aux familles que nous allions voir.
Calyste,
Oui, effectivement les repas étaient frugaux mais les discussions passionnantes, abondantes et riches! J'ai passé des soirées formidables, inoubliables. Elles m'ont profondément marquée.
Je suis allé en Pologne plus 'récemment' : 1993, c'est déjà loin. je me souviens d'un repas délicieux, préparé par la mère d'une amie, Agatha, et qui était restée à la cuisine pendant que nous magions entre nous, avec sa fille. Nous nous demandions où elle était, c'est seulement une fois le repas fini que nous avons compris ; il n'y en avait pas assez pour tout le monde.... pour nous une telle situation était intolérable. Le lendemain nous avons voulu faire les courses avec Agatha et les payer, au moins. Elle nous a donné l'impression que ce geste de notre part était une insulte... dur dur, en tant qu'occidentaux, d'être confronté à une générosité aussi démesurée, jusqu'à l'absurde.
Oui, effectivement Lancelot, il y avait des "codes" de conduite bien différents des nôtres; j'étais un peu avertie par mon copain et voilà pourquoi nous avions la voiture remplie de produits et de marchandises qu'ils acceptaient sans difficultés parce que tout simplement on ne les trouvait pas dans leur pays.
Conscients même du peu de valeur de leur monnaie, ils nous avaient échangé contre quelques dollars des dizaines de milliers de zlotys; mais qu'en faire, il n'y avait rien à acheter à l'époque...
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