La Vague, ce film allemand de Dennis Gansel sorti en mars 2009 sur nos écrans est une grande claque: cette fiction, qui relate une expérience qu'avait menée un professeur américain dans un lycée de Palo Alto en 1967 avec des élèves de première, a de quoi nous mettre très mal à l'aise; le nazisme n'est-il qu'une idée du passé, à jamais morte? Personne ne voterait pour Hitler aujourd'hui? Pas si sûr...
Dans ce film, deux professeurs sont chargés de faire à leurs élèves des cours sur l'anarchie et l'autocratie. Pour faire comprendre les mécanismes de l'autocratie, l'un des deux enseignants, Wengler, un professeur d'EPS, préfère la mise en pratique plutôt qu'un exposé. Les élèves de cette classe, différents socialement, culturellement et psychologiquement ont un point commun: plus personne contre qui se rebeller... Problème d'ancrage dans la société, comme on dit, et pourtant si vrai, même si des facteurs comme le consumérisme à outrance masquent ce désarroi.
En une semaine, après avoir établi en commun une définition du mot "autocratie", il arrive à ce qu'une classe entière la mette en oeuvre: rares sont les élèves qui critiquent et refusent cette expérience. Tout le monde au bout du deuxième jour porte une chemise blanche, puis marche au pas cadencé, se reconnaît à son salut, proclame son nom "La Vague" et propage, en une petite semaine, la terreur en dehors même de l'école. Pire! Attirés par cette société où règnent l'obéissance et d'une certaine façon la solidarité, séduits par cette autorité et cet esprit de corps, d'autres individus extérieurs à cette classe rallient le groupe. Dans le film, cette histoire, dramatisée, finit dans la tragédie: le professeur ne contrôle plus rien, le sang coule et nous, les spectateurs, nous assistons impuissants à l'affirmation d'une thèse que nous savons toujours possible mais que nous refusons toujours d'admettre: non, la bête n'est pas morte. Jusqu'où, là, dans cette salle serions-nous, chacun, capables d'aller ou de ne pas aller?
Dans la réalité, Don Ross, le professeur qui avait mené cette expérience dans un lycée pour analyser les mécanismes du nazisme et la vie quotidienne en Allemagne nazie, raconte dans un livre publié cinq ans plus tard, qu'il l'avait close d'autorité cinq jours après devant l'ampleur qu'elle avait prise et par la projection d'un film sur les procès de Nuremberg: les élèves en découvrant que "leur" Vague , fondée sur l' idéologie de la haine, développée dans le culte du secret, n'existait pas et qu'elle était une manipulation, étaient ressortis de là avec un violent sentiment de honte.
Ce film s'inspire de l'expérience de Don Ross mais pas seulement de cela. Un autre type, Todd Strasser, - un drôle de type du reste qui fabrique des fortune cookies, ces petits gâteaux où sont inscrits des devinettes!- auteur américain qui a écrit des livres pour la jeunesse, a publié un livre en 1981 qui relate l'expérience de Ross et se réfère à une expérience en laboratoire menée par un professeur de psychologie à Yale, Stanley Milgram, découvreur par ailleurs de l'expérience du petit monde, que j'ai connue grâce à Flocon. L'expérience à laquelle se réfère Strasser est celle de ces volontaires réunis dans une salle et qui doivent envoyer une décharge électrique à un patient. Ce dernier est un acteur et ne reçoit aucun courant mais les participants l'ignorent. Au bout d'un certain temps, les participant appuieront sur ordre (l' autorité médicale) sur le bouton qui envoie des décharges dangereuses et cela malgré les cris de souffrance de plus en plus insupportables. Sur les 636 volontaires, 65% obéissent à ces ordres terrifiants. La soumission - le fameux mot qu'a eu Eichmann lors de son procès "J'ai obéi"- semble détruire tous les repère moraux et la conscience...
On a de quoi frémir quand on connaît cela: dans le cas de Milgram, l'expérience se déroulait en labo mais imaginer- c'est facile en ce moment- un climat de mécontentement social, des frustrations, un esprit de revanche monté en épingle.
La bête n'est pas morte... Je la sens parfois tout près.
Dans ce film, deux professeurs sont chargés de faire à leurs élèves des cours sur l'anarchie et l'autocratie. Pour faire comprendre les mécanismes de l'autocratie, l'un des deux enseignants, Wengler, un professeur d'EPS, préfère la mise en pratique plutôt qu'un exposé. Les élèves de cette classe, différents socialement, culturellement et psychologiquement ont un point commun: plus personne contre qui se rebeller... Problème d'ancrage dans la société, comme on dit, et pourtant si vrai, même si des facteurs comme le consumérisme à outrance masquent ce désarroi.
En une semaine, après avoir établi en commun une définition du mot "autocratie", il arrive à ce qu'une classe entière la mette en oeuvre: rares sont les élèves qui critiquent et refusent cette expérience. Tout le monde au bout du deuxième jour porte une chemise blanche, puis marche au pas cadencé, se reconnaît à son salut, proclame son nom "La Vague" et propage, en une petite semaine, la terreur en dehors même de l'école. Pire! Attirés par cette société où règnent l'obéissance et d'une certaine façon la solidarité, séduits par cette autorité et cet esprit de corps, d'autres individus extérieurs à cette classe rallient le groupe. Dans le film, cette histoire, dramatisée, finit dans la tragédie: le professeur ne contrôle plus rien, le sang coule et nous, les spectateurs, nous assistons impuissants à l'affirmation d'une thèse que nous savons toujours possible mais que nous refusons toujours d'admettre: non, la bête n'est pas morte. Jusqu'où, là, dans cette salle serions-nous, chacun, capables d'aller ou de ne pas aller?
Dans la réalité, Don Ross, le professeur qui avait mené cette expérience dans un lycée pour analyser les mécanismes du nazisme et la vie quotidienne en Allemagne nazie, raconte dans un livre publié cinq ans plus tard, qu'il l'avait close d'autorité cinq jours après devant l'ampleur qu'elle avait prise et par la projection d'un film sur les procès de Nuremberg: les élèves en découvrant que "leur" Vague , fondée sur l' idéologie de la haine, développée dans le culte du secret, n'existait pas et qu'elle était une manipulation, étaient ressortis de là avec un violent sentiment de honte.
Ce film s'inspire de l'expérience de Don Ross mais pas seulement de cela. Un autre type, Todd Strasser, - un drôle de type du reste qui fabrique des fortune cookies, ces petits gâteaux où sont inscrits des devinettes!- auteur américain qui a écrit des livres pour la jeunesse, a publié un livre en 1981 qui relate l'expérience de Ross et se réfère à une expérience en laboratoire menée par un professeur de psychologie à Yale, Stanley Milgram, découvreur par ailleurs de l'expérience du petit monde, que j'ai connue grâce à Flocon. L'expérience à laquelle se réfère Strasser est celle de ces volontaires réunis dans une salle et qui doivent envoyer une décharge électrique à un patient. Ce dernier est un acteur et ne reçoit aucun courant mais les participants l'ignorent. Au bout d'un certain temps, les participant appuieront sur ordre (l' autorité médicale) sur le bouton qui envoie des décharges dangereuses et cela malgré les cris de souffrance de plus en plus insupportables. Sur les 636 volontaires, 65% obéissent à ces ordres terrifiants. La soumission - le fameux mot qu'a eu Eichmann lors de son procès "J'ai obéi"- semble détruire tous les repère moraux et la conscience...
On a de quoi frémir quand on connaît cela: dans le cas de Milgram, l'expérience se déroulait en labo mais imaginer- c'est facile en ce moment- un climat de mécontentement social, des frustrations, un esprit de revanche monté en épingle.
La bête n'est pas morte... Je la sens parfois tout près.
12 commentaires:
Ron Jones, le professeur d'histoire, pas Don Ross.
En dehors du film de Gansel, le roman de Todd Strasser, inspiré par l'expérience de Jones, a aussi été adapté pour la télévision. Le téléfilm est d'ailleurs plus fidèle que le film, puisqu'il colle à l'histoire, évitant une dramatisation supplémentaire en la déplaçant en Allemagne.
Mais Gansel avait, en fait, une bonne raison de procéder à une transposition à l'Allemagne : il s'adresse aux jeunes Allemands, pour combattre le sentiment assez répandu que la démocratie est un acquis, et que ce genre de chose ne peut se reproduire, qui amène à voir ces transgressions comme de simples incongruités sans conséquences. Il leur fait donc la démonstration de la fragilité de l'acquis démocratique (autrement sacrifié aujourd'hui par nos hommes politiques, mais c'est une autre histoire, bin qu'actuelle).
Blogger a encore des vapeurs : il me demande mn mot de passe, me dit qu'il ne peut traiter ma demande avec une excuse incompréhensible, mais quand je reviens sur le site mon commentaire est posté. Ah, que l'informatique est pleine de fantaisie !
Merci de la rectification ZapPow! Je yoyotte de la touffe de plus en plus. Je suis coutumière du fait, dans la confusion des noms...
Il est vrai que la transposition à l'Allemagne pouvait être une faiblesse dans la mesure où elle semblait exclure que les mécanismes du fascisme puissent se développer ailleurs que dans ce pays si...stigmatisé. Mais c'est aussi une force, car à travers ces jeunes qui abandonnent le jeans et leur iPod pour la chemise et le salut, on comprend bien que la démocratie , principe chèrement acquis est fragile, comme vous le dites et- on est bien d'accord- vidé de son sens de plus en plus fréquemment, quand elle n'est pas ouvertement critiquée! A preuve, le réferendum qu'avait demandé Papandreou: nos gouvernants se sont insurgés devant ce geste qui, avant tout, était tout de même le retour à une expression démocratique! La Grèce, n'est-ce pas la mémoire de la démocratie, justement? Et si l'autocratie était désormais la finance, avec ses mécanismes de soumission aux lois du marché, et son mépris - la mort?- pour des millions de gens. Ceci est effectivement un autre débat...
Pour les "vapeurs" de Blogger, c'est... cyclique!
J'ai été "scotché" par ce film, il m'a rappelé ce tout petit livre "Matin bru". "Le ventre qui enfanta la bête immonde est toujours fécond" disait Brecht et nous le vérifions tous les matins. que la bête immonde s'appelle Wall steet ou islamisme, les bêtes immondes sont bien vivantes et prospèrent sur le cadavre déjà putride de notre pauvre Europe.
Merci Jeanmi de votre passage et bienvenue!
Matin brun est un grand livre effectivement. Tout petit,il s'acquiert au prix d'un euro - pour toutes les bourses donc-, et raconte avec une économie de moyens remarquable l'acceptation du pire, un pire développé au quotidien, sans vague... si je peux me permettre.
Je suis d'accord, il arrive qu'on sente son haleine dans notre dos, dans des files, des groupes quand un fait divers fait parler... Il n'en faudra pas beaucoup pour qu'elle se montre...
Pas beaucoup, non, Chri. Merci de ton passage!
Ton billet me fait penser au roman La Mort est mon métier" de Robert Merle, roman qui m'avait envoûté et glacé à la fois, tant le héros tortionnaire est proche de nous. On se dit, en le lisant: "J'aurais pu être cet homme!". De quoi frémir!
C'est drôle que tu cites de roman de Merle: il a été très important pour moi. Grâce à lui, j'ai voulu en savoir plus sur cette période qui ne m'intéressait pas plus que cela au lycée et j'ai découvert des livres très forts et des destins très contrastés. Il paraît que les guerres sont un creuset romanesque : c'est vrai mais à quel prix...
Juste un mot relatif au référendum qui serait l'expression la plus épurée de la démocratie.
Je crois au contraire que c'en est la forme la plus caricaturale, celle qui sert le mieux les intérêts politiques de ceux qui décident de donner cet os à ronger aux masses auxquelles on donne l'illusion qu'elle ont voix au chapitre et que ce sont elles qui ont le dernier mot in fine.
Cela s'appelait plébiscite sous Napoléon III.
Le vrai-faux référendum des Grecs était une manœuvre de politique intérieure de Papandréou dont il savait parfaitement comme tout le monde quel en aurait été le résultat.
Il aurait aussi pu demander aux Grecs :
-Voulez-vous payer vos impôts?
-Voulez-vous travailler moins et gagner plus?
-Voulez-vous virer tous les métèques?
Le référendum c'est de l'enfumage intégral.
Les citoyens des pays dits démocratiques ont-ils le moins du monde plus de contrôle ou de pouvoir sur la marche des affaires du pays que n'en avaient les Russes sous Brejnev, les paysans japonais de la période Edo ou les ouvriers qui construisaient les pyramides il y a 4.000 ans?
Ce qui importe c'est de ne pas vivre dans un état policier et en France nous sommes plus que limite.
Histoire de l'innocent qui a passé un mois en taule dans un pays démocratique (paraît-il).
Près de 900.000 gardes à vue l'an dernier en France (oui, certes, mais gardes à vue démocratiques !).
Quant à la Grèce-berceau-de-la-dé-mo-cra-tie gna gna gna, les mots et le concept tel que nous les reconnaissons sont sans doute grecs mais La République est tout sauf un manifeste démocratique et libertaire.
J'étais seulement excédée par des propos bien pensants que j'ai entendus ces journées-là: "on leur prête de l'argent, alors que les Grecs magouillent tous et en plus il ose faire un référendum."
Non, pas "l'expression la plus épurée de la démocratie" , mais un type, Papandreou, qui n'a pas peur et qui ,joue au poker menteur. Un certain courage, non?
La République n'a rien d'un manifeste démocratique certes, et la société de Périclès mériterait bien des critiques et n'a rien d'un modèle, mais les leçons de morale données par des pays "démocratiques" soumis en fin de compte aux marchés financiers qui peuvent à tout moment être désignés comme "mauvais élèves", sont inacceptables. Depuis quand doivent-ils juger des peuples qui n'ont pas forcément voulu appartenir à cette Europe vite faite, mal faite...et dont l'absence de structure politique fait cruellement défaut?
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