samedi 31 mars 2012

Vieillir

A Jo

Jo, une amie,  m'a envoyé ce matin cette vidéo. Si vous avez dix minutes, regardez-la.
 
Pendant mes études, on m'a appris que les bons sentiments ne faisaient pas la bonne littérature. Pourtant, il est des plumes qui donnent de la hauteur et de la force aux bons sentiments parce que la justesse de leurs mots et leur sincérité clouent le bec à tout commentaire ironique ou à tout rire sardonique.

Cette jeune lycéenne a remporté le concours de plaidoirie organisé par le Mémorial de Caen, en janvier dernier.
Je ne suis pas prête d'oublier les trois chaises...


13 commentaires:

chri a dit…

Je ne les oublierai pas non plus.

Christine a dit…

Contente que cette image t'ait plu et marqué, Chri !
Je trouve le début de cette "plaidoirie" extrêmement fort: c'est simple et direct, trivial et subtil à la fois.

chri a dit…

C'est parfaitement maitrisé, émouvant, intelligent, fort, mâture, violent, droit... Quelle maitrise et de la langue et des émotions...

frenchpeterpan a dit…

bien dit et bien "récité" cette petite a du cran et de l'humanité...
seule la jeunesse peut permettre d'y croire encore à ce point...
un e p laidoirie de jeune pour aider les vieux, voilà une bien belle chose !

Catherine L a dit…

Merci Christine ! Chri, Frenchpanpan et toi avez tout dit !
C'est remarquable et cela me touche d'autant plus que ma mère est alzheimer ! Elle nous a toujours dit qu'elle ne voulait pas finir dans une maison spéciale... Puisse cette jeune lycéenne exceptionnelle être entendue d'un maximum de personnes ! Je vais partager cette vidéo sur ma page FB.

Voici un texte que j'ai écrit sur elle, dans un esprit de constat pour la défense je m'en remets à cette jeune lycéenne que je remercie pour la force de ses mots, pour la force de sa maîtrise de la langue française !

Alzheimer…

Et puis un jour,
C'est comme un livre
Qui ne se laisse plus imprimer.
... Aucune trace ne se grave
Alors, doucement mais sûrement
Les pages se tournent à l'envers
En s'effaçant.
C'est une gomme cruelle
Qui bouffe la mémoire
En remontant le temps.

Elle sait encore beaucoup de choses,
Elle triche parfois,
Parce qu'elle sait ce qui lui arrive.
Fidèle à celle qu'elle a toujours été,
Elle se bagarre contre son sort.
Elle a juste peur
Qu'on l'abandonne
Dans une maison spéciale...

Quand je lui demande comment elle va,
Elle répond que ses oiseaux et ses chiens vont bien.
Mais elle a toujours été comme cela,
Elle a souvent répondu aux questions qu'on ne posait pas
C'était sa pédagogie à elle
Pour nous faire chercher plus loin,
Pour nous apprendre à trouver les bonnes questions.
C'était aussi un langage de pudeur
Pour nous éclairer de ce que les mots ne disent pas.

Elle reste donc fidèle à elle-même,
Dans la maladie qui la ronge
En bouffant sa mémoire,
En détruisant les coutures de son cerveau.

Mais un jour,
Un jour prochain
Elle me demandera qui je suis ;
Elle ne fera pas de pédagogie,
Elle ne jouera pas au jeu des langages.
La gomme aura presque achevé
L'effacement du livre à l'envers,
Quand bien même, son pied
Reconnaîtra toujours la pédale de sa Singer.

Il faudra que je réponde.

Elle est la seule de qui
Je n'ai jamais attendu cette question-là.

Catherine Lirelo 02/2010

odile b. a dit…

Merci à vous d'avoir divulgué cette plaidoirie remarquable et ce dessin, parlant et insoutenable ! Merci à Chriscot pour la transmission en écho et à Catherine pour son témoignage.
Je me sens blessée, meurtrie, profondément, pour eux, les miens, les autres, et la rage au ventre pour faire campagne et placarder largement cette image !

"Mourir insignifiant
Au fond d’une tisane
Entre un médicament
Et un fruit qui se fane

Mourir, cela n’est rien
Mourir, la belle affaire !
Mais vieillir… Oh ! vieillir" - JB

tempes du temps a dit…

Et "on" dit que cette génération est individualiste ! Oui, tout force le respect dans cette plaidoirie : la justesse des pensées porte la langue. Chapeau bas, vraiment.

Christine a dit…

Merci à vous toutes et tous que je néglige. Le temps me mange.

Oui, elle a du cran Marc, beaucoup de cran. Dans mon collège, certains de nos élèves de 3ème mènent un projet avec deux maisons de retraite qui sont très proches de notre établissement. A chaque visite (la quatrième de l'année a eu lieu juste avant que je poste cette plaidoirie exceptionnelle) je suis toujours agréablement surprise de voir que ça marche formidablement bien: un partage et un enrichissement mutuels. J'ose croire que les dernières générations sont plus attentives et plus attentionnées envers les vieux, justement parce que chacun d'entre nous est confronté désormais à ce problème, avec l'allongement de l'espérance de vie...

Christine a dit…

Catherine, merci de ton témoignage. C'est une maladie cruelle, pour qui est englouti par elle: aucun échappatoire possible, un long travail de sape. J'accepte mal tout comme toi ce naufrage. C'est un dur apprentissage pour nous qui avons connu nos parents vaillants, vifs, drôles...

Christine a dit…

Odile b. que j'ai souvent croisée sur des blogs que vous comment(i)ez vous et moi. Merci à Chriscot de vous avoir incité à pousser ma porte. Bienvenue donc !
J'ai pensé associer à la vidéo cette chanson de Brel,que j'aime beaucoup (tout comme celle, qui me fait à chaque fois monter les larmes aux yeux
Les Vieux). Mais je redoutais de mettre le coeur de mes commentateurs et lecteurs en capilotade.
Oui, cette plaidoirie est un réquisitoire: mais la seule"innocence" de cette jeune, c'est de ne pas assez insister sur notre responsabilité à nous,sur nos petites lâchetés (il n'y a pas que l'Etat).

Tant mieux si vous vous emparez de cette vidéo pour faire campagne (à la place de celles et ceux qui prennent l'espace - médiatique- aujourd'hui, sans jamais revendiquer le droit à la dignité...)

Christine a dit…

Oui Claire, cette jeune nous donne une sacrée leçon de courage, de dire vrai, de maîtrise , tout comme les jeunes dont je parlais plus haut et aussi, et surtout, et d'abord, beaucoup d'espoirs... Nous, est-ce qu'on était fichus d'être sensibles à à "nos vieux", quand on avait seize ans ?
Merci de nous rappeler que la jeunesse, à qui on ne pense pas beaucoup pendant cette campagne, est capable de nous dire nos quatre vérités en face à condition qu'elle ne cède pas aux sirènes de la rentabilité ni à la bêtise ni à tous les miroirs aux alouettes de la société que nous lui avons construite...

Calyste a dit…

Jusqu'à ce soir, je n'avais pu mettre un mot ici tant cette vidéo m'a bouleversé. Si tu savais comme cela résonne en moi qui connais, de par ma mère, les choses dont elle parle, en moi qui suis coincé entre le marteau et l'enclume.

Christine a dit…

La force de cette "plaidoirie" est effectivement Calyste de nous mettre sens dessus dessous. Je comprends ta réserve, je la comprends très bien...