vendredi 25 mai 2012

Vrac (en)

Une si longue absence... mais la vie happe, dévore, engloutit.
Depuis quelques semaines, émotions et agitations rythment mes jours.

Fin avril: ma fille devient docteur en pharmacie. A sa soutenance, toute notre famille - même son arrière-grand-mère est là.  Le soir, c'est la fête  dans une pizzéria toute simple: nous sommes 21, les chercheurs en cancéro de l'Inserm -coucou Zaeem, Yosra, Marie, Mouna, Jérôme- ses copains de lycée - coucou Charles, Brieg, Christophe-, ses amis de la fac - coucou Margaux, Abel, Michel- et nous au milieu de ces "têtes" si humbles et si savantes, si exploitées aussi... Yousra est chercheur en Tunisie: elle s'est battue pour les dernières élections dans son pays. "Tu sais, il faudra du temps pour que la démocratie arrive dans notre pays; je ne suis pas pessimiste". Zaeem, lui, a toujours une situation précaire en France: "le visa de séjour reste toujours un problème." Jérôme, diplômé d'Harvard, doit tenter, quelques jours après, le concours de recrutement de l'Inserm: c'est une pointure en immunologie mais la France méprise ses chercheurs.

Début mai: j'apprends que je suis reçue à mon Capes Lettres modernes.  Je l'avais déjà réussi, en Lettres Classiques, il y a trente ans, mais mon interruption de carrière me l'avait fait perdre, ainsi que mon ancienneté et mon échelon. J'ai redémarré à zéro, maître auxiliaire, le Smig et la précarité de l'emploi puisque chaque année, je pouvais faire des remplacements ici ou là.  Je ris (jaune). Je dois être une perle rare en France : certifiée deux fois, en trente ans, en Lettres classiques et en Lettres modernes. Suis bien décidée à me battre pour faire reconnaître dans mon reclassement les années... d'autrefois.
Lors de l'épreuve orale, stupéfaction : l'épreuve que je devais passer ressemblait comme deux gouttes d'eau à celle des années 80 : l' Ecole serait-elle toujours la même depuis ces temps antédiluviens ? Les savoirs savants, est-ce la parade idéale pour s'occuper de collégiens "dys"et pour affronter toutes les vicissitudes du métier ? Je ris (jaune)

Week-end du 8 mai: en balade avec nos latinistes en France gallo-romaine -coucou Calyste : le musée de Lyon ? Grosse déception, mais le Pont du Gard, Nîmes, Arles, bien, très bien - coucou Chri !
Ai bien pensé à vous, mais comment faire connaissance au milieu de 44 jeunes ados ? Voyage très très réussi, malgré le déluge lyonnais.

Depuis une semaine, répétitions sur répétitions pour finaliser le projet théâtre de la 4ème Debussy : une classe de 17 élèves, essoufflés par les rythmes scolaires,  en perte de vitesse, en chute libre pour certains : pour les réconcilier - tenter de-, ils mènent un projet théâtre avec un professionnel et toute l'équipe pédagogique. La pièce ? Les Misérables ! Etonnant, non? Mais quelle réussite! Trois représentations, devant les copains de 4ème, de 3ème et le soir devant les adultes. "J'ai pas dormi de la nuit, M'dame. J'ai peur!" Frédéric, un enfant précoce qui refuse de nous montrer ses capacités: une histoire familiale lourde. A pleurer. Frédéric, que j'ai l'impression de connaître depuis toujours et qui me fait monter les larmes quand je le vois jouer Jean Valjean...Ils vont se sentir orphelins la semaine prochaine, mais ils seront des stars, eux la drôle de classe que certains regardaient de haut...

Entre temps, parce que je n'ai pas eu de vacances, pas un moment pour lire "gratuitement"ou pour me régaler intellectuellement, j'ai repris le chemin du cinoche , du théâtre et des musées

Trois très grands coups de coeur :

 Les Cancans, de Goldoni au Théâtre 13 à Paris mis en scène par Stéphane Cottin : ju-bi-la-toi-re ! Une troupe pleine d'énergie composée d'acteurs de 18 à 60 ans. Une rumeur qui enfle , qui enfle et qui désenfle. Formidables d'intelligence, astucieux, rusés ! Des acteurs qui jouent. Vraiment.



Au cinéma, un film qui donne envie de se lever, de danser; une histoire simple mais efficace. Il s'agit de Rock'n'Love de David Mackenzie. Un joyau. Mais un film  à qui on ne donne pas sa chance. Deux salles à Paris le distribuent. Honteux !

Pendant ce temps, Audiard se pavane dans toutes les salles: j'ai DÉTESTÉ  De rouille et d'os. Vraiment. Insupportable de pathos à la noix .La dernière demi-heure, on se dit: "Ah non! Il va pas nous la faire, celle-là !" Eh bien si ! Il la fait, sans vergogne... Le personnage de Marion Cotillard dit de la petite frappe qu'elle a rencontrée : "Mais si, la délicatesse, tu sais ce que c'est!" Faudra nous le démontrer ça... Me suis em... à cent sous de l'heure. J'aurais dû prendre la poudre d'escampette dès la première demi-heure, quand ça sentait le roussi.

 Enfin, jeudi dernier, nous sommes allés  découvrir au Musée des Lettres et des Manuscrits, l'exposition consacrée à Sur la route, de Jack Kerouac. Le rouleau de 36 mètres y était exposé : il est en France pour trois mois seulement. Sur les côtés de cette "route" en papier calque, les itinéraires empruntés par Jack, ses "pères" littéraires (Proust, Rimbaud, Baudelaire, London) illustrés par leurs propres manuscrits (on est dans le musée spécialisé , non ?) , des photos, le scénario annoté de la main de Walter Salles (film présenté à Cannes et sorti en salle mercredi dernier), des objets du film, la lettre de Kerouac à Brando, le suppliant presque de bien vouloir jouer dans le film- Marlon a décliné l'offre, il aura fallu plus de 60 ans pour voir sa première adaptation! Bref, une petite expo, pas trop chronophage, rudement bien faite et intelligente;

Aujourd'hui, 30° à Evreux. Je suis en vrac. Normal, docteur ?

17 commentaires:

Doctor Met Met a dit…

... Normal Mâme Christine.
Trois jours pour se remettre et on reprend la route?!

chri a dit…

Ce que c'est que l'égocentrisme... Dans cette longue note, j'extrait un coucou... Bravo pour la doctoresse, la capétienne et la metteuse en scène...

Christine a dit…

La route, faudra attendre un peu Doctor...

Christine a dit…

Chri,
Normal que vous ayez pris le coucou qui vous revient. Merci de vos compliments. Sauf que la mise en scène je n'y suis pour rien. Juste une petite assistante...

Calyste a dit…

Le soleil est revenu à Lyon, Christine, et une très grosse chaleur. Je suis sûr que, dans ces nouvelles conditions, le site archéologique t'aurait plu davantage.
Et bravo pour ton deuxième Capes. Mais pourquoi ne pas avoir retenté Lettres Classiques ?

Christine a dit…

Calyste,
J'ai déjà vu le site de Fourvière sous le soleil, et j'en garde de très bons souvenirs. Dans mon billet, je me plaignais du musée, et en particulier d'une conférencière qui n'a pas été vraiment à la hauteur. Pas grave...

Si le vélo ne se perd pas, 17 ans d'arrêt complet de la pratique du latin et du grec font des ravages...incommensurables. De plus, je me voyais mal tenter un concours qui n'offrait que 3 postes en Lettres classiques. Merci de tes mots.

Anna F. a dit…

Bravo pour le Capes. Je vous admire. Je n'ai pas beaucoup aimé non plus "De rouille et d'os" bien que je considère que ce n'est abolument pas un mauvais film. Je n'avais pas aimé "Intouchables" et avec le film d'Audiard je remarque que le "fillon" est bon. Et je déteste ce genre de pathos. Je suis en revanche très heureuse du prix décerné au film "Amour". J'ai gagné mon pari. Bonne soirée Christine.

Anna F. a dit…

Allez voir "Barbara" avec Nina Hoss. C'est un film sec et dur. C'est une histoire simple, mais magnifique.
Je peux me tromper, mais je crois que ce film vous plaira.

Christine a dit…

Merci Anna !
J'ai vu Barbara. Sec oui, c'est le terme. Je n'ai pas été complètement convaincue: sans doute avais-je trop en tête La vie des autres.

J'attends tout comme vous de pouvoir voir Amour de Haneke. Je trouve le thème de ce film courageux. Pour le reste du palmarès, je suis déçue: on reprend les mêmes et on recommence. On aimerait que ce festival soit l'occasion de découvrir des réalisateurs beaucoup moins connus...

Catherine L a dit…

Bravo à Marine, bravo à toi Christine ! Tu vas peut-être pouvoir souffler un peu ? A moins que d'autres projets soient déjà en cours ? Chez moi c'est P qui a eu son Master 1 de droit privé avec mention. Moi je suis ravie de finir bientôt ma dernière 6e avec mon petit dernier !
Drôle de machine que celle de l'EN... ça paraît injuste que tu ne puisses pas récupérer ton ancienneté. Quant à l'évolution depuis les années 80, je ne suis pas étonnée ! Pour accueillir tous les élèves dont ceux qui ont une particularité plus ou moins handicapante, il va falloir revoir beaucoup de choses car sinon, l'épuisement va arriver très vite !
Bravo pour la finalisation du projet de théâtre avec des élèves en difficulté, l'occasion pour eux d'être perçu autrement, de reprendre un peu confiance en eux ! Bravo à eux ! Le petit Frédéric tel que tu le décris, il me parle... Il n'est pas aisé d'être précoce ou Haut Potentiel, pas facile de réfléchir en permanence, c'est fatigant à force alors certains s'épuisent et se détruisent à force de vouloir ressembler aux autres, juste pour une meilleure compréhension. Je ne sais pas s'il refuse de montrer ses capacités ou s'il essaie de ne plus les avoir car cela peut rendre sa vie plus difficile. Il faudrait peut-être qu'il rencontre quelqu'un qui lui explique comment il fonctionne, qu'il n'est pas anormal, qu'il n'y est pour rien, que ses capacités peuvent lui permettre de réaliser des choses extraordinaires qu'il aurait envie de faire. Sa lucidité l'effraie peut-être et peut le rendre triste. Il s'est peut-être mis en mode inhibition pour se protéger car il ne sait pas comment gérer tout ce qu'il sent, tout ce qu'il analyse à l'intuition sans encore avoir toutes les informations dont il a besoin pour faire face. C'est si complexe la précocité intellectuelle ! Et en France on accumule le retard que ce soit pour les enfants précoces ou les enfants handicapés.

tempesdutemps a dit…

Vous n'écrivez pas (assez) souvent mais quand vous le faites, c'est du lourd ! L'impression, à la fin de votre billet, d'avoir couru un marathon... Et si vous vous reposiez un peu, si vous essayiez de faire RIEN, farniente. Soufflez, respirez et n'oubliez pas la musique !

Christine a dit…

Merci de ton commentaire Catherine... Oui, une année chargée mais pleine de bonnes surprises et de rebondissements.
Frédéric suit son bonhomme de chemin et même s'il n'a pas eu le déclic psychologique, il va mieux, beaucoup mieux.
L'année prochaine, on remet le couvert avec le théâtre. Une grande chance !

Christine a dit…

Claire, si seulement je savais faire ! Mais je crois que je tiens le bon bout, maintenant. L'envie d'écrire ici me reprend. Tout devrait aller plus calmement. Merci de votre mot.

chri a dit…

Dis, quand revien... Dis au moins le...

Christine a dit…

La chanson de Barbara a eu un effet magique Chri ! Merci... je suis allée enfin le pêcher ce U !

frenchpeterpan a dit…

bravo à Marine et bravo à Xtine (y a du retard, mais je suis trop inattentif : un e maladie masculine !)
et bon été à tout le monde
marco frenchpeterpan

Christine a dit…

Merci Marco.
Nous nous remettons de nos émotions !
Bel été à vous tous aussi. Paris n'est pas si loin...