mardi 15 février 2011

Zazzo

Lawrence Zazzo, contre-tenor américain, joue le rôle de César dans l'un des plus populaires opéras de Haendel , Jules César, ce compositeur allemand, devenu anglais d'adoption. J'ai assisté à ce très beau spectacle il y a deux semaines, et j'en suis sortie ravie! Les arias de César, de Cornélia et de Cléopâtre me trottent encore dans la tête.

Inutile de saluer l'époustouflante performance de Natalie Dessay, tout le monde à tout dit. Ni  l'ingénieuse mise en scène de Pelly où, comme l'a dit un critique "il se passe toujours quelque chose sur la scène." N'ajoutons pas non plus l'étrange sensation que nous avons eue, nous spectateurs, de voir des Égyptiens (haendéliens, certes) se révolter contre la politique conquérante de César, alors que d'autres Égyptiens (des vrais, ceux-là) occupaient la place Tahrir du Caire et s'apprêtaient à se battre pour chasser Moubarak...

Non, je voudrais parler d'un des deux contre-ténors, Zazzo en particulier, même si le Français Christophe Dumaux, mérite aussi un billet!

Zazzo, c'est une très belle voix, riche, moelleuse et  travaillée, même si la direction musicale d'Emmanuelle Haïm ( que l'on encense partout! Pourquoi? Parce que c'est une femme?) ne l'a pas toujours bien servi, surtout dans le premier acte: elle semble allergique aux  liaisons entre les airs, son jeu un peu monotone manque de contrastes,  -c'est souvent très "frappé sec"- et l'orchestre sonnait trop pointu parfois.

Au premier acte, j'attendais le premier grand aria de César: Empio, diro, tu sei . Ma première impression a été la déception: j'avais entendu pendant plusieurs semaines l'enregistrement de cet opéra par Les Musiciens de Louvre dirigés par Marc Minkowski. César était interprété par la contralto Marijana Mijanovic: je trouvais le timbre de sa voix plus crépusculaire, plus viril, si je peux oser le mot. Je me suis demandée si Zazzo qui a des aigus puissants, profonds et sonores, n'avait pas une petite faiblesse dans les graves?

 (La vidéo est un peu longue: l'aria commence à la 3.30ème minute
C'est un extrait de l'opéra dirigé par E. Haïm et mis en scène par L. Pelly)
Le premier acte passé, j'ai trouvé que Zazzo s'imposait mais il me reste l'impression que ce héros lui va mal, et que sa voix pour aussi belle et musicale qu'elle est, ne convient pas vraiment au rôle...

Depuis, et pour préparer cette note j'ai écouté cet aria, interprété par plusieurs contre-ténors, contraltos. J'ai même découvert une bizarrerie. Le grand baryton Fischer Dieskau a prêté sa voix à César, -comme d'autres- ce qui suffit à montrer que pour des maisons d'opéras, Haendel représentait  un compositeur à part, mystérieux .

Ces choix paraissent aujourd'hui étranges, quand on sait que lors de la première représentation à Londres c'est le castrat Senesino (contralto) qui jouait le rôle titre. Les voix "basses" étaient réservées, dans les opéras baroques, aux serviteurs ou aux personnages de second plan.

Impossible toutefois de parler de César sans SA Cléopâtre. Elle, elle était comme un poisson dans l'eau.

18 commentaires:

Flocon a dit…

Un jour peut-être m'ouvrirai-je à l'opéra mais ce domaine m'est jusqu'à présent resté radicalement étranger.

Autant je suis "à l'aise" avec les quatuors à cordes, autant les grandes machineries théâtrales me laissent de marbre, pire : me font fuir!

Seul Pélléas et Mélisande à 20 ans m'avait enchanté.

J'avais fait aussi quelques incursions chez Wagner mais lui c'est du lourd!!!

Crainte et tremblement d'aborder une terre nouvelle?

Quoi qu'il en soit je n'ai jamais eu l'oreille discernante et resterai toujours handicapé de ce point de vue, incapable de porter une quelconque appréciation sur les voix ou les instrumentistes.

Pour un béotien tel que je suis, c'est toujours la première interprétation qui reste la référence, surtout quand on l'a entendue jeune.

Merci en tout cas de m'avoir fait découvrir cet aria (?) de Cléopatra par N. Dessay.

Aurait-ce été Jessie Norman ou Elisabeth Scwartzkopf, je n'aurais su faire la différence.

Quelle tristesse!

Christine a dit…

L'opéra, c'est très compliqué pour l'aimer; quand on est jeune, on trouve ces "gesticulations" chantées très désuètes! Tout semble artificiel et pour peu que nous n'ayons pas été "habitués" aux voix, on fuit! Plus tard - ce n'est pas forcément la vieillesse!- ces simplissimes histoires qui tiennent en quelques phrases répétées à l'envi arrivent jusqu'à nous grâce aux voix précisément! On est touché ou non. Et si on aime, on devient vite dépendant!

Pas nécessairement besoin d'avoir une oreille "discernante" mais simplement accepter peut-être de se laisser déborder, de ne pas (trop) raisonner et d'affirmer ses goûts qui ne sont pas toujours en adéquation avec les avis des spécialistes, très souvent très "parisianistes".
Au contraire de ce que vous dites, les voix font justement beaucoup parler: parce qu'elles vont sans doute là pile où "ça" dérange, où "ça" plaît, déplaît, enchante, irrite. Je me suis trouvée un jour entre deux spectateurs, l'un qui hurlait sa joie au salut de l'un des chanteurs, l'autre en train de le huer, de le siffler. Moi, cet opéra, je l'avais détesté, mais je me suis dit ce soir-là, qu'une simple voix pouvait déchaîner les hommes.

Pour Wagner, c'est peut-être du lourd mais c'est tout simplement grandiose et inépuisable... J'attends les deux derniers opéras du Ring avec impatience. Je me rappelle aussi de la forte impression que m'avait laissée Tannhauser.

Enfin, tant mieux si vous avez aimé cet aria Se Pieta... Et tant pis si vous ne savez faire vocalement des différences! Vous n'avez pas choisi n'importe qui! Je vous souhaite de vous "ouvrir" à l'art lyrique: on y éprouve de grandes joies.

chri a dit…

Parce que la voix humaine sans aucun artifice s'adresse à nous, au dedans de nous très directement!

Anonyme a dit…

Lawrence Zazzo, contre-tenor américain

J'ai honte d'admettre que je connais pas Mr Zazzo. Bon, je vais lire ta billet et apprendre qqchose!

Anonyme a dit…

Hors sujet, mais j'ai une question.

Quelle tristesse!

on trouve ces "gesticulations" chantées très désuètes!


J'ai cru que la regle est signe simple, espace simple !

Christine a dit…

Chri,
Tu as réussi à dire en deux mots ce que j'ai péniblement expliqué en quatre longs paragraphes! Bravo, je suis incapable de faire ça! J'en ris remarque.

Christine a dit…

Anijo,
Il n'y pas de honte à méconnaître certains de tes compatriotes un peu connus en Europe! Zazzo est jeune! Zazzo= Caruso, c'est pas encore pour demain!

veux-tu parler de l'espacement entre les points (exclamation, interrogation, point, deux points, point-virgule)? La règle typographique est différente en français et en anglais
Ponctuation des textes en allemand et en anglais

"A la différence du français : pas d'espace avant deux points, point-virgule, point d'interrogation et point d'exclamation." Tu peux consulter l'article ICI.

chri a dit…

J'avais ressenti ça très puissamment la première fois que je suis allé à l'opéra écouter/voir/entendre Pavarotti chanter un Verdi. Il débutait sa partie dans les coulisses et s'en venait sur scène... J'ai dû ressentir ce que d'autres quelques millénaires avant ont ressenti dans une caverne noire!

Flocon a dit…

Chri,

"Parce que la voix humaine sans aucun artifice s'adresse à nous, au dedans de nous très directement!"

Ne connaissant pas Chri je vais faire tous mes efforts pour ne pas être involontairement blessant mais ce qu'il écrit... ben... on le sait et ça n'explique aucunement l'appétence des uns ou des autres vis-à-vis de l'opéra.

On ne peut guère dire de l'opéra qu'il soit populaire (non plus que des quatuors à cordes d'ailleurs). Si la voix humaine etc. c’était vrai, l’opéra serait de loin la forme musicale la plus populaire, chacun pouvant s’y projeter.

Comme toute forme d'expression artistique, comme toute représentation d'une quelconque activité humaine, comme toute culture, l'opéra est imprégné d'une histoire, de valeurs et de référence qui devancent l'appréhension (du verbe appréhender) du néophyte.

La voix humaine, sans aucun artifice etc. me paraît être une formule un peu tout faite qui peut dépanner à l’occasion mais qui n’explique absolument rien.

On me répondra qu’il n’y a rien à expliquer et j’en suis bien d’accord. J’aime la Tour aux figures de Dubuffet comme la Suite lyrique d’Alban Berg ou Foxy Ladie de Jimi Hendrix et il n’y a rien à expliquer. On est immédiatement sensible ou on ne l’est pas.

Cela dit une sensibilité artistique se forme et s’éduque. Ou pas. Il y a des bourrins qui seront toujours fermés à toute forme d’art ou seront exclusifs dans leurs dilections. On est toujours le bourrin d’un autre…

Je suis tenté de chercher du côté que suggère Christine: "les voix font justement beaucoup parler: parce qu'elles vont sans doute là pile où "ça" dérange, où "ça" plaît, déplaît, enchante, irrite".

C'est une démarche psychologisante et elle me convient. Il serait trop long de développer mais il en va du rapport à l'art comme de toute chose: Caractère, sensibilité -> déterminisme.

Là comme ailleurs il y a une relation sujet/objet et c'est le sujet (l'auditeur potentiel) qui détient sans le savoir les raisons de son imperméabilité à l'opéra (en la circonstance).

L'objet opéra, ou tout autre, est un univers avec sa topographie et ses référents historiques, culturels etc. comme le sujet a les siens qui l'aliènent irrémédiablement (dans la plupart des cas) de l'objet opéra. Ou du théâtre no et des créations de Sophie Calle.

---------

"J'ai dû ressentir ce que d'autres quelques millénaires avant ont ressenti dans une caverne noire!"

Cela me va à ravir! La création, le renouvellement et la propagation des mèmes voilà qui est passionnant.

Christine le sait bien: Le chant d'un oiseau est unique!

Anonyme a dit…

Xtine,
D'après ta lien:

deux points, point-virgule, point d'interrogation, point d'exclamation : espace insécable avant

En anglais, pas d'espace avant d'exclamation.

Anonyme a dit…

Une espace insécable est un caractère typographique consistant en une espace que l’on intercale entre deux mots (ou un mot et une ponctuation) qui ne doivent pas être séparés par un éventuel retour à la ligne automatique. L’espace insécable permet d’éviter qu’un mot ou une ponctuation soit rejeté et isolé en début de ligne lorsque cela nuirait à la fluidité de la lecture.

Le code typographique français recommande, contrairement à d’autres langues telles que l’anglais, une espace insécable devant les signes de ponctuation doubles (point-virgule, deux-points, point d’interrogation, point d’exclamation)

Christine a dit…

Anijo,
J'aurais appris deux choses ce soir, grâce à toi !

1. espace, dans l'acceptation typographique est féminin (c'est absurde mais c'est ainsi !).

2. je ne fais jamais d'espace avant les signes de ponctuation double alors que ma langue l'exige ! Bouuuuu ! Je suis une affreuse jojotte !

Maintenant pour les espaces insécables, il semble qu'avec le Word, ce rejet de signe de ponctuation du plus mauvais effet en début de ligne ne puisse exister (le traitement de texte a dû intégrer les codes typographiques) et pour les autres cas d'emploi des espaces sécables, (cf l'article que j'indique) il semble que la simple barre d'espacement suffise sans aller chercher des alt + 0160 ou autres astuces préconisées.
J'ai trouvé des explications très claires ICI.

Merci Anijo ! Ça ne me guérira pas nécessairement mais j'y veillerai...

En relisant mon commentaire, stupeur ! Quand on écrit en direct, il y a bien l'espace qui existe ! Sauf que quand l'écrit est publié, l'espace entre mots et ponctuation double a disparu. Mystère et boule de gomme !
Et puis deuxième découverte la touche alt+160 pour les espaces insécables devient indispensable dans le traitement de texte des coms Blogger ! Qué mierda !

Anonyme a dit…

Et alors encore un de tes mots Xtine ! C'est quoi une 'jojotte' !?

Christine a dit…

En français l'expression "affreux jojo" veut dire "enfant turbulent', c'est-à-dire un enfant dissipé, agité, remuant , insupportable!

J'ai donc inventé un prénom féminin à Jojo, "Jojotte" qui est complètement fantaisiste.

Il y a une Française qui a écrit un livre sur les expressions familiales dans notre pays: chaque famille a ses mots, qu'elle crée et qui sont en général une déformation , ou la trace de dialecte.

Dans notre famille par exemple, il y a une expression et deux verbes qu'on se passe de génération en génération. L'expression "Je suis ouiouite" (je suis un peu ivre) et pour les deux verbes "Arrête ce sèche-cheveux, ça m'alouène" (ça me fait mal aux oreilles) ou encore "j'ai la tête qui zizine" (j'ai la tête dans du coton).

Christine a dit…

Et vlan ! J'ai oublié l'espace avant les points d'émotion (comme avait écrit un de mes élèves !)

Anonyme a dit…

comme avait écrit un de mes élèves !

Ah, là te me fais l'honneur ! ☺

Tu sais, ma copine, Brigitte m'apelle Jojo... ô-Ô

Anonyme a dit…

Mais je dois dire que quand elle m'apelle jojo je pense à cette chanson

Christine a dit…

Je sais que tu as un faible pour Joe Dassin. Mais comment passe-t-on de Jules César au fils de Jules Dassin ? C'est le mystère et le charme des blogs! Encore que... la musique tout simplement.