lundi 18 juillet 2011

X littéraire

Le Baiser volé, Fragonard

Ce n'est pas tous les jours que des écrivains portant un X à l'initiale de leur nom naissent et laissent une postérité. Bien sûr, je pourrais évoquer Xénophon, sa vie, son oeuvre mais je ne voudrais pas abuser de votre patience. Et pourquoi pas Xanthippe, me direz-vous, l'épouse acariâtre que Socrate épousa pour éprouver sa célèbre technique  la maïeutique? Oui, mais je n'y étais pas et les pensées " prêtées" à un philosophe, surtout quand elles viennent de si loin, sont sujettes à caution. Le bouquin de Françoise Xénakis  pourrait peut-être m'éclairer.

Portrait de Pierre Louÿs de F. Vallot
Me résoudre à admettre qu'entre le x, l'inconnue en mathématiques et le x de la pornographie, nulle voie? Détrompez-vous... Il existe un écrivain connu surtout aujourd'hui, pour sa littérature érotique et même pornographique, osons le mot . Il s'agit de Pierre Louÿs, bien évidemment....

Si Trois filles de leur mère, un roman résolument pornographique n'était pas devenu un "classique", il est quasiment certain que s'il était publié aujourd'hui, l'auteur serait traîné devant les tribunaux: pédophilie, inceste, zoophilie, machisme sont abordés sans aucune retenue, si ce n'est celle toutefois d'un narrateur assez prude qui  évite au roman l'ignominie.  L'ensemble est "hard" ou "hot", c'est comme vous voulez, mais si nous mettons dans notre poche  nos scrupules et notre morale , ce roman est considéré par certains  comme « le chef-d'œuvre de Pierre Louÿs » , dixit André Pieyre de Mandiargues.

D'après certains, ce roman retracerait des éléments biographiques de l'auteur: il aurait  eu pour amante une des filles de José de Hérédia, Marie, dont il aura un fils, laquelle épousera finalement Henri de Régnier tandis que Louÿs épousera la soeur de Marie, Louise. Imbroglio sentimental ou histoire de la famille tuyau de poêle, c'est comme vous voulez.

Ce roman écrit en 1910 et publié sous le manteau en 1926 qui retrace donc les mésaventures d'un jeune homme visité par une prostituée et de ses trois filles parvient  à dépasser les situations les plus odieuses et les plus ignominieuses grâce à une écriture qui déroule un fil sentimental -un vrai paradoxe!- et sait garder un ton plutôt tendre, complice, avec un humour assez décapant.

Je ne peux pas dire que ce roman est ma tasse de thé; j'ai "calé" mais cette littérature-là existe. J'en veux pour preuve cette réflexion du narrateur lui-même:
"C’était le langage de la sagesse avec un vocabulaire qui, pour n’être pas celui des sermons, avait néanmoins de la force et même une certaine éloquence."
Vous comprendrez que j'ai délibérément évité toute citation dudit roman, espérant éviter ainsi des lecteurs inhabituels attirés par des mots-clés trop suggestifs. Mais vous pouvez trouver le roman dans sa totalité ici, si  vous le souhaitez. La formule " Attention! âmes sensibles s'abstenir" ne manque pas cette fois-ci d' à propos! 

11 commentaires:

Flocon a dit…

1°) Ce roman m'était inconnu ainsi que le reste de la production de l'auteur si ce n'est ceci, comme tout un chacun. Il me semble que Louÿs est redevable au compositeur d'avoir préservé son nom et sa mémoire.

2°) En tout cas un Y surmonté d'un tréma voilà qui pouvait faire une entrée dans votre dictionnaire à rebours Christine. Mais la matière manque je crois.

3°) "les mésaventures d'un jeune homme visité par une prostituée et de ses trois filles..."

Voilà le genre de construction qui me donne bien des difficultés en allemand où la proposition principale englobe une proposition relative qui elle-même s'accompagne d'une voire deux propositions subordonnées.

Pour traduire ça en français bonjour! Il faut tout remettre à plat, déconstruire la phrase originale et essayer de la rebâtir sans rien oublier. Il y a également ce genre de construction en anglais mais beaucoup plus simple et on remet la phrase en ordre sans difficulté.

Résultat des courses, je me retrouve avec une phrase comme celle-ci donc où de ses trois filles devrait être rattaché à d'un jeune homme mais ce qui suit (visité par trois prostituées) en fausse le sens à la lecture.

Il semble qu'il y ait une amphibologie alors que l'accord du verbe indique bien que c'est le jeune homme seul qui est visité (et le bon sens aussi, quoique...) quelle que soit la place de ses trois filles.

Bon, moi cette construction je suis mal à l'aise avec, voilà ;-)

4°) J'ai lu dans un vieux grimoire oublié de tous qu'écrire quasiment équivalait à écrire "presquement".

Après vérification sur mon grand Robert il apparaît que quasiment est un dérivé de quasi que l'usage a validé.

Le puriste minimaliste s'en tient à quasi mais dans l'incertitude.

Christine a dit…

En effaçant la phrase d'origine, Flocon, j'ai oublié de supprimer la préposition de... Il fallait lire visité par une prostituée et ses trois filles. Excusez-moi d' avoir mis votre tête dans tous ses états! Je n'ai pas vu l'erreur à la relecture.

Il faut préférer quasi à quasiment, plus familier.(dixit Grévisse)

Christine a dit…

Ce sera plus facile, Flocon, pour traduire le génitif saxon :-))

Calyste a dit…

J'ai lu le roman dont tu parles il y a quelques années et en suis sorti relativement écœuré. Je ne suis pourtant pas prude ni moralisateur, mais là, non. Et en plus, je l'ai lu jusqu'au bout.

Anonyme a dit…

Pour ce qu'il y a d'une prostituée et sa fille, je pense à Fantine des Misérables de Victor Hugo.

Christine a dit…

Effectivement Calyste, on peut se demander comment certains ont pu considérer ce roman comme un chef d'oeuvre... Sans doute cet ouvrage sulfureux a-t-il plu parce qu'après la grande saignée que fut 14-18 il y avait un besoin urgent ou de dénoncer ou de ne plus croire au langage ou de combattre des valeurs morales qui avaient conduit au massacre ou de se jeter à corps perdu dans le plaisir. Tu me diras que ce roman est tout sauf l'expression ou la revendication du plaisir. Oui, mais il existe et j'ai choisi d'en parler parce que la pornographie crue et salace a existé au début du XXème en littérature : la pornographie, ce n'est pas seulement les films X.
Dans le bouquin de Louÿs, il y a la violence en moins... Et le narrateur semble si "étonné" de voir la dame et ses filles aussi délurées que l'on se demande dans quelle mesure l'auteur ne l'est pas autant que nous, lecteurs ...

Christine a dit…

Anijo!
Comme je suis contente de te "revoir": je m'inquiétais un peu pour toi. Tu ne naviguais plus sur les eaux bloguesques...

Oui Anijo, Fantine est une prostituée mais elle le devient par la force des choses: les Thénardier - ces "misérables" au sens de "gredins", d'"escrocs"- exploitent la candeur de cette femme qui sans ressources pour subvenir aux besoins de sa fille qu'ils ont en garde , après avoir vendu ses cheveux et ses dents se prostitue.
Hugo, à travers le destin de cette femme montre que la misère et l'ignorance sont, comme il le dit lui-même la cause des "trois problèmes du siècle, la dégradation de l'homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l'atrophie de l'enfant par la nuit."
Dans le livre de Louÿs, les héroïnes sont volages, perverses même et leur fond de commerce est le cul. Dans l'épopée hugolienne, Fantine est un personnage tragique, digne et bon.

Anonyme a dit…

Ah, merci Xtine. Ce qu'il y a de sûr, c'est que t'es tellement gentille.

Fantine est un personnage tragique, digne et bon.

Oui, sans doute. J'ai lu deux fois Les Misérables, un livre que j'aime bien.

Anonyme a dit…

Xtine, tu excerce de xenia à l'égard de tous les invités sur ton blog


Xenia (ξενία / xenía), le concept grec d'hospitalité

Christine a dit…

En français, il y a aussi le mot hôte qui est très intéressant puisqu'il désigne à la fois celui qui accueille et celui qui est accueilli.

Flocon a dit…

Anijo oublie de dire qu'elle a lu les Misérables en anglais ET en français!!§

Kudos (chapeau bas) parce que je me souviens des 50 premières pages où Jean Valjean arrive chez l'évêque et qui sont truffées de termes qu'on ne rencontre qu'on fois dans sa vie et
qu'après avoir ouvert mon dico une quinzaine de fois j'ai fini par laisser tomber!

Tolstoï, qui parlait et lisait le français mieux que vous et moi, dit simplement après avoir lu le roman de Victor : C'est fort

Bon, littérature populaire du XIXe, on est loin de Robbe-Grillet tout de même...