jeudi 15 septembre 2011

Weisbuch

Il s'appelle Claude, il est Lorrain, et il est né un peu plus de trois siècles après Claude le Lorrain, ce peintre à qui Le Louvre consacra une belle exposition il y a peu. Pourtant, Claude Weisbuch revendique "ses stimulations essentielles" d'un autre Lorrain, Jacques Callot, graveur et dessinateur du début du XVIIème  qui porta son regard sur une population à laquelle les artistes de l'époque ne portaient guère attention et que les misères portaient au désespoir. Ses Grandes Misères de la guerre, ses Gueux, ses Caprices ont nourri l'oeuvre de Weisbuch et notamment ses Pantomimes extraordinaires.




Mais Weisbuch n'admire pas seulement Callot.  Rembrandt, né une quinzaine d'années après Callot dans cette Hollande qui est celle des drapiers et des brasseurs, fait l'admiration de Weisbuch . Deux artistes très différents, certes! Callot , enfant exilé en Italie, fait un art de rue: il dessine sur le moment. Du dessin-reportage en quelque sorte. Rembrandt, lui, est un sédentaire; non seulement il ne s'est jamais éloigné de Leyde ou d'Amsterdam, mais il reste confiné dans son atelier: il  refusait, paraît-il,  d'ouvrir sa porte fût-il un monarque quand il travaillait. Mais ce qui réunit ces deux tempéraments si opposés, c'est le regard qu'ils portent sur les hommes: la compassion à l'égard de la souffrance , la sympathie pour les humbles, l'étonnement devant la cruauté. A l'oeil tendre et fugace de Callot s'oppose le regard concentré et fervent de Rembrandt qui sonde le coeur.  Ses quatre vingts  auto-portraits , qui révèlent ce désir de "se voir", tentent de saisir ce que nous sommes, "objets" sous la lumière et les ténèbres qui submergent. Weisbuch lui aussi, s'est pris pour modèle,  cherchant à saisir sa vérité.

Enfin, on parle d'une filiation évidente entre Weisbuch et Daumier. Le Lorrain fit de lui en effet deux portraits mais l'essentiel , c'est que ces deux artistes scrutent les gestes, les attitudes, les humeurs des hommes pour mieux débusquer leurs  obsessions, leur anxiété, leur arrogance ou leur peur. Des  gravures , des lithos ou des dessins non pas caricaturaux mais tendus, aigus.


Même si les sujets sont différents -Daumier ayant une prédilection pour les avocats et Weisbuch pour les musiciens-, on sent chez ces deux artistes, une même volonté de rendre compte du mouvement et du tempérament des sujets . Il y a à la fois beaucoup de soin , une force et un trait rapide: le trait de la vie.


Pour réaliser cette note, je me suis inspirée du texte de Patrick Waldberg qui préface une édition hors commerce des oeuvres de Weisbuch, réalisée pour la Nouvelle Librairie de France à l'occasion de la réédition du Faust de Goethe illustré par ce dessinateur/graveur/peintre que j'affectionne tout particulièrement.

4 commentaires:

chri a dit…

Même si les attitudes semblent "forcées", il y a une vie qui anime ces dessins, jusqu'aux portraits!

Pierre a dit…

Bonne association de ces peintres-dessinateurs entre eux, par delà les siècles.
Ce que permet la constance de la nature humaine...!

Christine a dit…

C'est tout à fait ça, Chri : du trait au portrait pour capter dans l'attitude ou le geste, un "condensé" du personnage décrit.

Christine a dit…

Pierre,
L'humain est universel et atemporel... Les regards sur l'Homme se croisent au-delà du temps et des techniques!